L’homme gris

– Monsieur Connard…

La psychologue retire lentement ses lunettes avant de les poser près d’elle. Son bloc-notes sur les genoux, elle cherche ses mots. Méticuleusement. Allongé sur le divan, votre serviteur, les mains jointes sur la cravate, attend. Mais il sait déjà.

– Vous avez une addiction. Et je pense que vous ne l’ignorez pas.
– Allons, une addiction, comme vous y allez. Oui, j’aime les mauvais films. Mais une addiction, tout de même…
– Hélas, Monsieur Connard, aller voir un mauvais film au cinéma, cela arrive à tout le monde. Ne pas sortir de la salle au motif que vous avez payé, c’est déjà plus intéressant. Mais les regarder sur Netflix alors que vous pouvez arrêter à tout moment, c’est un signe qui ne trompe pas. Vous êtes accro à la daube.

Je tourne la tête vers l’intérieur du divan pour ne pas faire face au regard réprobateur de la professionnelle.

– Vous ne savez pas ce que c’est. À quoi pourrais-je le comparer ? Tenez ; vous voyez ces vidéos de gens qui tombent sur le verglas ? En soi, ce n’est pas drôle. Pourtant, il y a cette curiosité malsaine qui dit « Mais combien de fois vont-ils encore finir les dents sur le bitume ? » et qui vous pousse pourtant à continuer.
– Un être humain normalement constitué ressent de la compassion pour celui qui souffre, Monsieur Connard.
– L’être humain normalement constitué est un peu chiant, docteur.
– Un propos éclairant. Votre misanthropie, ajoutée à votre addiction au visionnage de choses douloureuses, me laisse entendre que vous pourriez être un psychop…

Le silencieux chuchote par deux fois, et la psychologue pousse un léger grognement de surprise. J’ignore si c’est parce qu’elle ne s’attendait pas à cela, ou si parce que, comme je l’espère, elle est un peu impressionnée par mon habileté à tirer tout en restant allongé, l’arme sur le ventre. C’est très élégant, ça fait tir un peu dédaigneux, j’aime beaucoup.

Diego, averti par le bruit du corps qui s’effondre sur le sol, rentre dans la pièce, un tapis sur l’épaule.

– Allez, Diego, roule-moi donc cela.
– Patron, ça fait quand même la troisième psychologue. Vous n’auriez pas une sorte d’addic…
– Apapap, Diego, choisis bien tes mots, ou je vais te prouver rapidement que je sais varier mes cibles.
– Patron, quand même.
– Ce n’est pas ma faute si la police a demandé cette évaluation psychologique pour me rendre mon permis depuis cet accident avec le cycliste.
– Je pense surtout que c’est le fait que ce soit le douzième cycliste à passer sous votre pare-choc qui les a rendus suspicieux, patron.
– Allons, Diego, roule donc ce macchabée, remplis mon coffre puis ton office de chauffeur, veux-tu ? En attendant, je vais chercher le prochain psychologue de l’annuaire. On finira bien par en trouver un qui affirmera que je n’ai aucun problème.

C’est vrai. Une addiction ? Moi ? Allons. Aux cigares, admettons, mais aux mauvais films ?

Ce n’est pas comme si je m’apprêtais à regarder The Gray Man volontairement. Oh que non. Non, je le fais pour vous, bande de malandrins. Et puis de vous à moi, qui est le plus dangereux : celui qui regarde une daube ou celui qui dépense des centaines de millions de dollars pour la financer ?

Vous voyez que je suis raisonnable.

Mais en attendant, Gray Man, est-ce vraiment un film à la hauteur de mon addic-de ma curiosité ou bien une œuvre sous-estimée ?

Spoilons, mes bons !


L’affiche : Oooh, du feu ! Des particules ! Vous me gâtez.

Notre film s’ouvre en 2003, une bien mauvaise année pour Saddam Hussein et les personnes âgées. Cependant, c’est un jeune américain bien à l’ombre que nous retrouvons, puisqu’il s’agit d’un prisonnier qui reçoit une visite. Mais, écoutons plutôt.

– Bonjour, jeune prisonnier au physique avantageux. Je suis Monsieur Fitz, et je lis dans votre dossier que vous êtes ici pour meurtre.
– En effet.
– Qu’est-ce que vous diriez que je vous sorte de prison ? En échange, vous travailleriez pour moi. Après une petite formation aux armes, bien sûr.
– Pardonnez-moi Monsieur Fitz, mais qui serait assez con pour aller en prison chercher des assassins, les sortir de là en violant tout le système judiciaire, avant de leur filer de l’entraînement et des armes pour les rendre encore plus dangereux ?
– La CIA.
– Ah ben oui ça se tient.

Et en effet : notre prisonnier rejoint ainsi les rangs de la CIA, est effacé de tous les registres légaux, et devient un agent super secret qui n’existe pas officiellement, un homme dans le gris de ce bas-monde… le GRAY MAN.

Soit en français « l’homme gris ». Ca sonne un peu gars bourré, mais nous verrons que ce film a probablement lui aussi été écrit après quelques 1664 de trop.

Bondissons cependant de 19 ans dans le futur histoire de nous échauffer.

Et retrouvons notre agent secret, qui répond désormais au nom de code de « Sierra Six », soit « SS » (la CIA apprécie) qui… attendez ? Mais ? Il n’a pas pris une ride ! Je vous laisse donc apprécier ce film qui malgré un budget qui se compte en centaines de millions, a oublié de payer le maquillage de l’acteur principal.

Ça va, ça arrive comme oubli, pas vrai ?

SS, qui a semble-t-il le secret de l’éternelle jeunesse, se trouve à Bangkok, où il doit infiltrer une fête pour y abattre un gros vilain venu y faire on ne sait quelle sombre transaction (probablement acheter une bouteille de gaz : de nos jours, ça vaut de l’or). Miranda, une agent de la CIA qui épaule SS sur le coup, lui donne un gros pétard et le highlander gris n’a plus qu’à s’en servir quand soudain, il s’arrête.

– SS ? Que faites-vous ? La cible est juste devant vous ! Plombez-la !
– Impossible. Il y a un enfant juste à côté. Ça le traumatiserait.
– Mais ? Et que préconisez-vous alors ?
– Eh bien plutôt que de tuer la cible d’un tir précis juste devant cet enfant… JE VAIS COMMENCER UNE FUSILLADE GEANTE !

Car c’est connu : un enfant qui voit une personne mourir devant ses yeux le vit très mal, par contre au bout de douze, l’enfant s’en cogne, s’enfile un litre de Champomy et retourne jouer à Pokémon sans poser de questions. Non, ne me demandez pas quelle est la logique : je vous ai dit que tout ce film était écrit par un gars bourré. En tout cas, c’est ma meilleure explication, si vous en avez une autre, je suis preneur.

Après avoir massacré une douzaine de pauvres pinpins avec l’aide de Miranda venue au secours de l’agent neuneu, SS parvient à se retrouver face à face avec la cible. Et lui colle un gros pruneau dans le bidou. Le méchant s’effondre, mais non sans prononcer quelques derniers mots.

– Ah… tu m’as eu, Sierra Six.
– Oh ! Comment sais-tu qui je suis ? Officiellement, je suis tout gris !
– Moi aussi. Car je ne suis autre que… Sierra Quatre !
– SQ ? C’est vachement moins bien que SS, si tu veux mon avis.
– Petit nazillon, va ! Et puis on s’en fout ! Tu ne comprends pas qu’il y a un problème si on demande à un agent de tuer un autre agent ?
– … maintenant que tu en parles…
– Bon, je n’ai plus beaucoup de temps. Sache que Carmichou, le patron de la CIA, est une ordure. Il… bon sang j’ose à peine le dire… il… TUE DES GENS ILLÉGALEMENT.

Les sourcils de SS se froncent très fort.

– Monsieur Quatre, vous réalisez que c’est un peu le principe de l’unité Sierra ? On tue des gens illégalement. D’ailleurs c’est rarement légal de tuer autrui, pour info.
– … ah oui merde.
– Donc votre super gros secret, c’est que le patron de notre unité secrète de tueurs utilise des tueurs ?
– Nan, c’est vrai que dit comme ça, c’est très con.

En effet, et c’est pourtant là-dessus que va reposer toute l’intrigue du film : le patron de la CIA a pour sombre secret d’utiliser des tueurs illégaux hors de tout cadre illégal. Et ça, ça révolte… les tueurs illégaux qu’il emploie depuis 19 ans. Qui n’avaient jamais fait le lien jusqu’ici. SS en est tout perturbé.

– Bon, on fait quoi alors ?
– Écoute-moi bien, jeune SS.
– Ça sonne quand même bizarrement ça aussi.
– Tututu, écoute donc : autour de mon cou j’ai un médaillon. Il contient toutes les preuves que le patron de la CIA est vilain. C’est pour ça qu’il t’a envoyé me tuer, car il a peur que cela se sache. Prends les preuves et file.
– Trahir mon patron, avoir toute la CIA au cul, et tout ça pour un secret dont j’ai toujours eu connaissance ? Okay !

Et SS de laisser Sierra Quatre mourir en paix, avant de filer avec son précieux médaillon. Lorsque Miranda arrive sur place (elle était partie aux toilettes pour ne surtout pas déranger ce moment, je suppose), SS a déjà disparu. Et lorsque le patron de la CIA apprend que Sierra Quatre n’a plus son médaillon autour du cou et que SS a filé, il comprend qu’on tente de l’embabouiner sévère. Aussi fait-il des bruits comme « Grongrongron », tel un lapin nain.

SS, lui, se rend dans un cybercafé pour lire la clé USB qui était cachée dans le médaillon de Sierra Quatre, et y découvre des fichiers… impossibles à lire sans mot de passe. Mais avec quand même avec un bel aperçu de chacun laissant entrevoir que si si, houlala, ça a l’air important.

Moi aussi, quand j’ai un fichier super secret et encrypté, je mets quand même un aperçu de celui-ci en clair façon vignette Youtube putaclic. C’est important.

Ce film. Ce film. Non, je n’ai rien à dire de plus : ces deux mots suffisent.

Maintenant que SS sait que ce n’est pas du bluff et qu’il a bien la sex-tape de son patron (mais avec des terroristes), il confirme son envie de trahir la CIA. Mais pour y parvenir en un seul morceau, il doit encore quitter le secteur. Et pour cela, il a besoin d’aide. Aussi appelle-t-il son vieil ami et recruteur, Fitz.

– Allô, Fitz ? C’est moi, ton ami SS.
– Gunther, c’est toi mon lapin ?
– … je voulais dire : Sierra Six.
– Ah. Euh. Ahem. Oui je… je ne connais aucun Gunther et si tu trouves des photos de moi nu sur un char Panther, sache que c’est un photomontage. Que puis-je pour toi, Six ?
– Je sais que tu as pris ta retraite, et justement, ça m’arrange : je suis en train de trahir la CIA dont le chef est pourri.
– Quelle surprise. Je vais évidemment t’aider, Six, et ce, sans poser de questions. De quoi as-tu besoin ?
– Que tu viennes me chopper près de Bangkok pour me sortir de là avant que la CIA ne me trouve.
– D’accord, je baptise cette opération ho h…
– NON ! Non, Fitz ! Je t’interdis de faire ce jeu de mot.
– Woh, pfou. Bon, je t’envoie un avion C-130 et une escorte de mercenaires te sortir de là.
– L’énorme avion de transport militaire ?
– Ben oui pourquoi ?

Car c’est connu : pour venir chercher quelqu’un super discrètement quelque part, quoi de mieux qu’un avion militaire pas du tout furtif et de fort beau gabarit rempli de mercenaires surarmés ?

Tout cela est si subtil.

Qui pourrait remarquer un appareil aussi discret ?

SS peut donc se rendre près dudit avion, où de gros mercenaires baraqués l’accueillent.

– Bonjour, je suis Six. Vous êtes venus me chercher ?
– Nous sommes l’unité Lasso, spécialistes de la récupération d’agents partout dans le monde.
– Oh bon dieu, ne me dites pas que…
– Cette opération démarre donc, comme baptisée par Fitz : Ho, hisse, Lasso-Six !
– FITZ ! Je te retrouveraiiii !

Le calembour à peine digéré SS, bougon, finit par s’endormir dans l’avion qui l’emmène loin de Bangkok. Mais allons plutôt voir ce qu’il se passe du côté de chez le patron de la CIA. Qui est à ce moment précis en train de discuter avec Suzanne, son assistante. Et ce, aux toilettes. Oui, je suis sérieux. Non, ne me demandez pas pourquoi. Probablement car c’est là que le film lui-même a été écrit ? je l’ignore. Mais passons, et écoutons plutôt.

– Suzanne, ma louloute *plouf*, si vous voulez mon avis, utiliser des assassins sortis de prison *ploc ploc* comme agents, c’était une belle idée de merde. Sans mauvais jeu de mots.
– Si vous trouvez que ces agents ne sont pas fiables, pourquoi en avoir envoyé un avec la mission cruciale de tuer l’autre ?
– Il suffit *pfuiiiiiiii….uiiiii* ! Cessez de pointer tous les trous du scénario, sinon nous *plocoplocoploc* n’en sortirons jamais ! D’ailleurs, j’ai une super idée pour arrêter SS. Je vais appeler…
– Un agent fiable ?
– … UN AGENT TELLEMENT PEU FIABLE QU’ON A DU S’EN SÉPARER ET QUI EST DÉSORMAIS INDÉPENDANT !

Vous ne rêvez pas : le scénario se tire dans le pied, oui, mais avec une mitrailleuse pour atteindre pareille cadence. Visiblement, la logique est : moins un mec est fiable, plus il faut engager un type encore moins fiable pour le stopper. Enfin, je dis logique : on se comprend.

– Vous réalisez que c’est très con, patron ? Un type encore moins fiable ET qui n’a aucune loyauté ?
– Allons, Suzanne. J’ai pensé à tout : vous irez superviser cet ancien agent.
– Ah ? On commence à avoir un début de prudence ?
– OUI MAIS D’ABORD LAISSEZ-MOI VOUS MENACER DE MORT GRATUITEMENT POUR M’ASSURER QUE VOUS ME TRAHIREZ ! JE VOUS HAIS, SUZANNE ! JE VOUS TUERAI PETITE MERDE !
– Mais ?!

Vous aussi, n’oubliez pas : quand votre carrière est en jeu, menacez de mort gratuitement toute personne pouvant vous aider. Suzanne est donc envoyée, avec une grosse motivation, recruter et assister un personnage à moustache qui aime tuer et torturer ses victimes, et désormais mercenaire : Stevechopathe.

Et parce qu’on ne rigole jamais assez, le patron de la CIA donne carte blanche et budget illimité à Stevechopathe histoire qu’il se fasse bien plaisir.

Netflix, si tu me lis mon lapin, je pense que pour 10 balles, je peux trouver des enfants de cinq ans qui écrivent des trucs moins débiles. Alors où diable recrutes-tu ? Quel est ton secret ? Qui sont les gens payés pour rédiger cela ?

Toujours est-il que Stevechopathe est bien embêté : SS a été entraîné à disparaître en Argentine. Comment diable le retrouver ? Mais, tout simplement en trouvant qui le connait ! Stevechopathe sait que SS a pour vieil et unique ami Fitz, et que Fitz a pour seule famille une nièce qu’il aime très fort. il lui suffit donc de kidnapper ledit enfant pour obtenir de Fitz où se trouve SS, à savoir à cet instant dans un avion bourré de mercenaires. C’est habile.

Stevechopathe suggère donc un plan simple au brave Fitz à qui il rend visite :

– Dis à tes mercenaires de buter SS pendant qu’il ronfle dans l’avion et de récupérer la clé.
– Sinon ?
– Sinon j’oblige ta nièce à lire Midnight Sun.
– MONSTRE !

On comprend que Fitz n’a guère le choix. Aussi s’exécute-t-il, mais les mercenaires, eux, n’exécutent pas grand chose. En effet, ils décident d’attaquer SS sans arme à feu (quelle bonne idée !), mais celui-ci les voyant venir les tue tous, hop, fout en l’air l’avion re-hop, puis saute en parachute. Ah non mais il est comme ça, SS : taquin.

SS tombe donc au beau milieu de la Turquie, et parvient à appeler Fitz.

– Dis donc Fitz, tu ne te foutrais pas de ma gueule ?
– Si tu parles de « Ho hisse lasso six », avoue que ça valait le coup.
– Alors déjà, non, et ensuite tes mercenaires ont tenté de me tuer. Sur ton ordre ?
– Oui. Car figure-toi que je suis actuellement avec un certain Stevechopathe, qui me fait chanter car il tient ma nièce.

Stevechopathe, qui était à côté de Fitz, prend l’appel.

– Allô mon SS préféré ?
– Non, franchement, je trouve que ça sonne bizarre à chaque fois.
– Écoute, voilà le plan : rends-toi et file-moi la clé USB et je ne te couperai pas la tête.
– Ah oui ça met super en confiance.

Et oui, ce sont les vrais dialogues : Stevechopathe, en toute finesse, cause ouvertement de jouer de la hache sur la nuque du mec qu’il tente de raisonner. Et l’autre de répondre que bizarrement, ça ne l’aide pas à être convaincu.

Quand même les personnages soulignent que c’est très con, c’est beau.

Histoire de ne pas s’apesantir sur le sujet, que diriez-vous d’un petit flashback ? Non ? Eh bien tant pis pour vous, c’est cadeau. Car nous revenons brièvement deux ans plus tôt pour découvrir que SS lui-même est très attaché à la nièce kidnappée, que nous appellerons Nièce tant elle m’a marqué.

En effet, SS lui a servi de garde du corps quelques jours, puisque des tueurs la menaçaient déjà pour diverses raisons pas vraiment crédibles. SS l’a donc défendue vaillamment, quand bien même tout le monde, vous compris, auriez souhaité sa mort puisque vous l’aurez deviné :

Nièce est un enfant de film américain.

Le film est aussi l’occasion de nous rappeler que Ryan Gosling a encore moins d’expressions faciales que Nicolas Cage.

Elle est donc insupportable, parle comme une adulte, et ne fait chier comme un enfant que lorsque cela arrange l’intrigue. Pour le reste, elle fait de la psychologie à deux sous ou des remarques « espiègles » (comprendre mal écrites) toutes les deux minutes.

Mais surtout, le plus intéressant (si je puis dire) est que nous apprenons dans ce flashback que si Nièce n’a pas d’autre parent que Fitz, ses malheurs ne s’arrêtent pas là. Elle a en effet de petits soucis cardiaques qui l’obligent à porter un pacemaker qui… qui… mais ouiii, qui est géolocalisable n’importe où dans le monde !

Regardez bien. Regardez bien cette boîte à « Ca alors ! ». Je ne vais pas la retourner : je vais retourner la Terre autour d’elle. Voilàààà. À ce stade, c’est bien le moins.

Quitte à parler de clichés, le film n’échappe pas à ce truc qui hante toutes les productions depuis des années : le moment où le personnage met son baladeur/sa chaîne hi-fi en route et hop, ça sert de B.O à la scène qui s’ensuit. Disons qu’à la 987ème fois, ça lasse un peu.

Vous avez tout retenu ? La Nièce reloue, le pacemaker, la musique cliché ? Parfait. Maintenant que nous avons fait le point sur le manque complet de créativité de ce film, revenons au présent.

Car SS fait de tout cela une affaire personnelle. Et pour mieux échapper à ses poursuivants, il rend visite à un faussaire à Vienne, à qui il demande deux choses : un, d’obtenir le numéro du pacemaker de Nièce afin de le retrouver, deux, de nouveaux papiers pour circuler en paix. Mais alors que le faussaire invite SS à se tenir devant son appareil photo afin de préparer son passeport… et tient des propos pas du tout suspects du genre « Ouiiiii… avance-toi encore d’un pas…. ouiiiii hohoho ! Plus prèèèèès, ouiiiii ! » avec une voix de pervers devant une école belge, le margoulin active une trappe sous les pieds de SS, qui tombe ainsi dans une fosse bientôt couverte d’une vitre blindée !

– Ah ! Traître !
– Désolé, mon cher SS ! Mais Stevechopathe a mis ta tête à prix. Et pas qu’un peu ! Tous les mercenaires du monde sont à ta recherche ! Mais c’est moi qui aurai la prime.
– Quand même, la trappe, c’est un peu cliché.
– Note qu’en plus, magiquement, j’ai une vitre blindée en forme de pyramide qui est apparue au-dessus pour que nous ayons cette conversation maintenant que tu es au fond. Ne me demande pas où elle était cachée, c’est comme ça, c’est magique.
– Et pratique.
– Bon en attendant, je te laisse là. Avec le sac à dos que tu avais avec toi. D’ailleurs, ne me demande pas pourquoi j’essayais de te prendre en photo avec un sac à dos, ça n’avait aucun sens. Je dois être sympa.
– Ou un peu con.
– Ou les deux.
– Allez, vendu.

Pendant que SS pourrit dans sa prison, le faussaire, lui, avertit Stevechopathe de sa prise. Celui-ci, qui était dans un jet au-dessus de l’Europe, va donc voir les pilotes.

– Messieurs les pilotes, changement de plan : nous allons à Vienne.
– Mais ? Notre plan de vol ne prévoyait pas cela! Nous n’avons pas les autorisations !
– Eh bien dans ce cas, dites-leur que nous avons une urgence à bord.

Cela aurait pu s’arrêter là, mais le scénariste, probablement entre deux reprises de La Bite à Dudule dans son propre vomi, n’avait pas fini son sinistre ouvrage. Et le dialogue continue avec un des deux pilotes qui s’exclame :

– Attendez Monsieur Stevechopathe, vous et vos hommes avez des armes à bord ! Ça risque d’être compliqué si la police grimpe !
– Ah ben dans ce cas…

Et Stevechopathe de TIRER sur un des deux pilotes, ce qui motive l’autre à déclarer une urgence pour aller se poser à Vienne. Mais alors dans ce cas, je pose la question : en QUOI avoir un pilote blessé PAR BALLE va aider la police autrichienne à ne surtout pas regarder les armes à bord ? Mais bordel, au contraire, ça va lui confirmer que l’avion est rempli de types armés et dangereux !

C’est débile ?

C’est parfaitement normal dans ce film. J’imagine qu’en se posant, la police locale va téter ses propres armes en poussant de petits râles sans faire le lien entre une blessure par arme à feu et des armes à feu. Il faut dire que ce n’est pas évident. Heureusement que Stevechopathe est présenté comme aussi dangereux qu’efficace, voire fortement intelligent.

Et puisque nous parlons de petits génies, que direz-vous d’aller voir du côté du patron de la CIA ? Qui continue à se plaindre que les agents Sierra ne sont pas fiables…mais qui continue donc à n’utiliser QUE des criminels. C’est beau d’insister ainsi sur ses propres incohérences avec des scènes dédiées. Et vous vous souvenez de Miranda, l’agent de la CIA qui aidait SS au début du film ? Eh bien figurez-vous que le patron de la CIA décide de l’envoyer elle aussi sur le terrain… non sans… sans ? Je vous laisse deviner ?

Mais oui ! Non sans d’abord LA MENACER DE MORT ET L’INSULTER.

N’oubliez pas : quand vous êtes dans une situation critique et qu’un ennemi a en main de quoi vous faire tomber, insultez vos alliés, crachez-leur à la gueule, dites-leur que vous allez les buter et nul doute qu’ils feront tout pour vous aider à rester leur supérieur.

Bien. Le patron de la CIA est un blaireau, Stevechopathe l’équivalent d’un teckel sous ecstasy, retournons donc à notre bon SS, qui est toujours au fond de son trou. Aidé de son sac à dos (sic), il dispose de tous les outils pour créer une fuite d’eau dans la fosse, lui permettant de remonter vers la surface, et lorsqu’il arrive à la vitre blindée… il la fait exploser (oui, il avait aussi ça) à la seconde EXACTE où les hommes de Stevechopathe venaient le chercher !

Boite à « Ça alors », GO !

Stevechopathe, après divers rebondissements débiles impliquant des grenades et surtout une énorme moule, finit par attraper SS et l’avoir à sa merci. Mais au moment où il va l’abattre – non sans d’abord raconter sa vie – il reçoit une seringue qui fait faire dodo dans le bas du dos ! Et s’endort en grommelant. Mais qui a tiré ? Une silhouette sort de l’ombre.

– C’est moi.
– Miranda ?!
– Eh oui mon petit SS. Comme le patron de la CIA m’a intelligemment traitée comme de la merde, j’ai décidé de le trahir.
– Ah ben super ! Voilà un beau rebondissement foireux ! Et si on arrêtait les frais là ? Par exemple en tuant Stevechopathe qui dort là, à nos pieds, tout de suite ? Ou en le capturant pour nous faciliter la libération de Nièce ?

Tous deux plissent les yeux très fort, et finalement, déclarent d’un commun accord :

– Non, laissons notre pire ennemi dormir en paix, lui et toutes les informations dont nous avons besoin pour retrouver son otage, puisque sinon, le film s’arrête.

« Bon, on est d’accord ? On utilise une arme soporododo une seule fois dans le film, et uniquement pour le faire durer, okay ? »

Mais… je…

QUOI ?

Imaginez un film policier où à un moment, les héros arrêtent le criminel avec toutes les preuves, puis décident de brûler les preuves et de relâcher le criminel avant de reprendre l’enquête de zéro : on en est là.

Voilà voilà. Non, vraiment, je tiens à dire que même pour l’habitué des bouses que je suis, il y a ici un talent qui force le respect. On a limite l’impression de voir les scénaristes emmerdés par leur propre scène et qui décident donc de passer à autre chose sans explication.

Ce qu’ils font, merci de demander.

C’est donc un Stevechopathe bougon mais libre et en pleine forme qui se réveille un peu plus tard pour découvrir que SS et Miranda sont partis en le laissant en paix. Notre méchant se replie vers son quartier général : un château en Croatie, puisque c’est bien connu, quand vous être un agent ultra-secret, autant vous installer dans des monuments historiques très visités en les entourant de gardes armés, personne ne devrait rien remarquer.

Je suis si fatigué. La moitié des animaux du quartier crépitent dans ma cheminée, et pourtant, j’entends encore les dialogues, et c’est bien cela le plus dur.

Allons cependant voir ce qu’il se passe au château de M. Chopathe, où nous découvrons que c’est là que Stevechopathe retient Fitz et Nièce. Et puisque la deuxième est insupportable, Stevechopathe décide d’interroger le premier et l’emmène pour une petite séance de torture.

– Dis-moi où est SS !
– Euh, c’est-à-dire que comment je pourrais le savoir puisque c’est vous le dernier à l’avoir vu ?
– Ah oui merde. Bon, euh… je sais que SS a envoyé un colis à Prague ! Qui est son complice à Prague ?
– Pardon ? Mais comment savez-vous cela ?
– … aaaah meeeerde… je crois que je viens de dire un truc que je ne suis pas supposé savoir.
– En effet, non. En plus, si vous saviez que SS a envoyé un colis à Prague, c’est probablement que quelqu’un a vu le colis. Et donc, l’adresse dessus. Ce qui signifie que vous n’avez pas besoin de me torturer.
– … c’est moi ou c’est de plus en plus con ?

Ce n’est pas toi, Stevechopathe. C’est bien les gens derrière ce film qui à ce stade, devaient être en train de vomir un peu partout quand un renvoi de whisky-coca-beurre de cacahuète a produit pareille scène.

Car en effet, nous découvrons via un bref dialogue entre SS et Miranda que oui, SS a bien envoyé un colis à Prague. Pour être exact, il a envoyé le fameux médaillon et sa clé à une ancienne responsable de la CIA à la retraite qui vit à Prague, dans l’espoir qu’elle en décrypte le contenu. SS et Miranda vont donc lui rendre visite. Et lorsque cette dernière leur ouvre la porte…

– C’est bon ! On peut lui faire confiance !
– Mais ? Miranda, comment sais-tu qu’elle ne va pas nous trahir comme tous les autres ?
– Allons SS… c’est une femme noire ! Laisse-moi enfiler mon petit chapeau colonial : tu sais que ces gens-là sont naturellement gentils !
– C’est un peu raciste, Miranda.
– C’est Netflix, SS.

L’ex-cadre de la CIA, que nous appelerons Jeannine, accueille en effet nos deux amis avec toute la bienveillance possible, et les invite à se reposer un peu pendant qu’elle les rassure : oui, elle a bien reçu la clé USB. Et oui, elle a cassé l’encryption en deux secondes (le mot de passe est « MOTDEPASSE »). Elle peut donc montrer à ses petits camarades le contenu de la clé.

– Je comprends que Carmichou tremble : voici la preuve qu’il est impliqué dans des tas d’opérations non-reconnues par la CIA !

Ce qui est son métier, je le rappelle, mais mieux encore, les vidéos qui défilent pendant que Jeannine nous explique cela…sont des extraits de journaux télévisés. Non, pas de preuves incriminantes, pas de documents gênants, juste des passages de BFM TV avec « explosion dans une tour » ou « accident sur le périph ». Ah oui c’est… euh… dangereux ?

– Nous devons les envoyer à la presse ! s’exclame Jeannine.

Hm. Oui. Alors. Comment te dire, Jeannine.

Envoyer à la presse des vidéos… issuesde la presse, c’est moyennement utile. Ce film est tout de même formidable, arrivant à se vautrer même sur les choses les plus simples. Il aurait suffi de tourner une mini-scène du genre Carmichou échangeant des valises de pognon ou disant « Le Président ne doit pas savoir » façon caméra cachée et c’était bon. Mais non : quelqu’un a dit « Écoute, on a plusieurs millions de budget, mais pour les preuves cruciales autour desquelles tout le film tourne, demande à Manon la stagiaire de nous trouver des vidéos libres de droit où on voit du rien, steuplé ».

Et ce qui fut dit fut fait.

Diego, mon bon, allume-moi un deuxième cigare s’il-te-plaît. Je n’ai pas fini le premier, mais pour aller au bout de ce spoiler, je pense qu’il va me falloir deux cigares à la fois. Mgnerchi mchon bon.

Nos héros, persuadés que leurs vidéos pourtant disponibles sur le tout Youtube vont changer la face du monde, en sont tout à discuter de ce qu’ils doivent faire, quand soudain, pan ! Une balle traverse la vitre : ce sont les hordes de mercenaires du monde entier au service de Stevechopathe qui attaquent les lieux en plein jour et au beau milieu d’une capitable européenne ! Voilà qui est subtil ! Car oui, Fitz a fini par parler et a donné l’adresse du seul contact de la CIA connu à Prague (enfin, on va supposer que c’est cela).

Heureusement, Jeannine ayant l’ADN des anges, elle dit à ses compagnons :

– Filez par cette sortie secrète que je garde pour les urgences !
– Ben, vous ne venez pas avec nous comme c’est une urgence ?
– …. ah pas con mais je…
– Non mais vous avez douze fois le temps en plus.
– Je….JE DOIS RESTER EN ARRIERE ET ME SACRIFIER !
– Mais pourquoi ?
– SACRIFIIIIIIIIICE !

Sans explication rationnelle, Jeannine fait donc évacuer ses amis mais pas elle, et préfère sauter avec son appartement sitôt que les mercenaires y rentrent. Probablement que vu le film, elle préférait mourir tôt. Je la comprends un peu.

SS et Miranda sortent de leur issue secrète, mais un peu tard : la police locale arrive et arrête SS. Qu’elle décide, pour des raisons mystérieuses, de menotter à un banc. Mal leur en prend puisqu’au même moment, des dizaines de mercenaires supplémentaires débarquent de partout et commencent à tirer sur tout le monde avec des armes allant du pistolet au lance-roquette en passant par la mitrailleuse. Ouiiii, c’est très subtil.

Surtout que rappelons-le : c’est une opération secrète.

Tout rôliste vous le dira : « Le secret, c’est quand il n’y a pas de témoins« .

C’est donc un massacre général qui commence, avec pas loin de 25 mercenaires surarmés qui détruisent tout ce que la police leur envoie, mais à chaque fois que Stevechopathe sur la radio leur hurle « Tuez SS ! », les mercenaires glissent sur des peaux de banane, trébuchent, se font renverser, ou simplement, n’arrivent pas à vaincre le banc, cette protection bien connue que l’on met sur les fronts de mer probablement pour éviter les débarquements.

Voir des véhicules blindés exploser mais un banc résister à tout, c’est, comment dire ? Différent. Voilà, un peu comme ce que l’on disait du réalisateur quand il était petit, je suppose.

Après mille péripéties et autres cascades, ainsi que l’aide de Miranda, SS parvient à se sortir de ce grand bazar. Et finit d’ailleurs en marchant tranquillement tant il a lu le script et sait que plus personne ne le vise ou ne le voit. C’est pratique quand même.

SS peut donc grimper en paix dans une nouvelle voiture avec Miranda. Qui l’interroge :

– Et maintenant ?
– Maintenant, j’ai récupéré la clé USB. Et décodée.
– On la file donc à la presse, comme c’était le plan ?
– Non. Stevechopathe a encore Nièce en otage. Je dois d’abord la sauver. Et je sais comment la retrouver. J’ai obtenu du faussaire rencontré plus tôt son numéro de pacemaker. Il me l’avait filé pour gagner ma confiance. Et ce numéro, je l’ai noté… sur ma main !
– PARDON ?! Vous êtes un des agents les plus secrets au monde et vous notez des trucs sur vos mains ?
– Ui.
– Woputain même moi j’ai honte d’être dans ce film.
– Moi aussi.
– D’ailleurs vous écrivez avec quoi ? Car si vous avez écrit ça chez faussaire, ça veut dire que votre truc a résisté à votre sueur, à une immersion quand vous avez inondé la fosse où vous étiez piégé, à des explosions, à des…
– Je l’ai écrit avec la seule chose qui résiste à toute logique.
– L’encre du script ?
– Que ? Comment le savez-vous ?

Miranda se contente de soupirer très fort. En attendant, pour géolocaliser le pacemaker à partir de son numéro, il faut accéder à l’ordinateur d’un hôpital équipé du bon logiciel (probablement Winzip). Rien de plus facile pour nos rois de l’infiltration qui profitent de la panique générale dans tout Prague pour se faufiler dans les coulisses d’un hôpital débordé.

Ah oui au fait, durant les scènes d’action, tous les figurants disparaissent sans explication.

Un ordinateur, et hop ! Ils découvrent que Nièce est retenue dans un château en Croatie. Tous deux se félicitent d’être dans un film américain où personne ne connait la géographie, ce qui promet un voyage très rapide, quand soudain, une voix les interpelle.

– UN INSTANT !
– Mais qui êtes-vous, mystérieux monsieur qui vient d’entrer ?
– Je me nomme Loup Solitaire.
– Oh ! Comme les livres dont vous êtes le héros ? J’adorais ! Oooooh, je grugeais tout le temps en revenant en arrière ou en feintant sur les jets de dés ! Vous pouvez me dire quel est le numéro du chapitre daubé qui signifie qu’on est morts ?
– Que ? Je ? Mais non bordel, c’est mon nom de code super mystérieux !
– Ouah, pfou, c’est nul alors. Vous êtes venu pour quoi ?
– Je suis l’ultime mercenaire de Stevechopathe. Je viens vous tuer.
– Vous êtes sûr que vous êtes méchant ? Non parce qu’on est sur Netflix et vous êtes plutôt basa…
– EN GARDE !

Loup Solitaire engage la bagarre, s’avère très fort, et s’il ne parvient pas à tuer ses adversaires, il réussit tout de même à leur piquer le médaillon contenant la clé USB. Clé minuscule que non, SS ne pense jamais à cacher ailleurs que dans le médaillon recherché, tant il est un peu con. Loup Solitaire s’enfuit à moto, et Miranda a l’opportunité de lui tirer dessus, aussi SS lui lance une arme et… elle n’est pas chargée. Le méchant peut donc s’enfuir.

– Mais ? SS ? Vous êtes une sorte de blaireau géant de m’avoir lancé une arme pas chargée ?
– Moi, je ne lance jamais des armes chargées.

Oui, c’est le vrai dialogue. Non, personne ne comprend à quoi sert cette scène, de rajouter une cascade où Miranda se retrouve en position de tir tout ça pour lui filer une arme pas chargée parce que « Moi, je fais pas ça« .

Je… bon. Voilà. Là je dois bien vous avouer, chers lecteurs, que je ne comprends même pas comment le film parvient à en arriver là ou qui a pu autoriser ça. Façon « S’il vous plaît, rajoutez-moi un passage où le héros dans un moment critique file une arme déchargée à sa pote juste pour déconner. »

Ce bref revers permet cependant à nos deux compagnons de faire une petite pause pour se soigner. En effet, SS a été blessé dans la bagarre, aussi vont-ils passer la nuit dans un cabinet vétérinaire pour y trouver de quoi gérer des plaies (pour un blaireau géant, c’est logique). SS en profite pour raconter son histoire triste : il est allé en prison pour avoir tué… son papounet, qui le battait, lui et son frère.

En même temps, un personnage aussi bête, moi aussi je l’aurais battu. Probablement qu’un jour que papa voulait sauver maman d’une horde de sangliers, SS lui a jeté un fusil vide pour déconner.

Pendant ce temps, Loup Solitaire et le fameux médaillon arrivent au château qui sert de quartier général à Stevechopathe en Croatie. Où il lui remet le pendentif ainsi que la clé USB. La partie est-elle gagnée pour les vilains ?

Que nenni.

Car aussitôt, SS et Miranda, qui avaient pourtant des heures de retard, se sont visiblement téléportés jusqu’à la grille du château où ils utilisent une stratégie d’infiltration subtile intitulée : « On court en ligne droite de toute façon on est invincibles. » Quel suspens !

Nos deux compères cassent tout avec aisance, que ce soit un hélicoptère, une margoulette ou un bout de château, et tous les Jean-Jacques envoyés les abattre meurent sans parvenir à toucher une cible parfois à deux mètres à découvert dans un couloir alors qu’ils ont une arme automatique. Je rappelle que l’on parle pourtant de mercenaires d’élite. Quand même les scènes d’action sont un peu nazes, que reste-t-il ?

Ah oui : ma douleur.

Profitant de la confusion et du script, SS en profite pour aller sauver Nièce. Il ne parvient pas à en faire autant avec Fitz, qui se sacrifie avec une grenade parce que… voilà, et finalement, après la mort d’un nombre improbable de mercenaires, seul Stevechopathe échappe à la mort à chaque fois. Ainsi que Suzanne, l’agent de Carmichou envoyé sur place pour surveiller un peu Stevechopathe.

Et Loup Solitaire dans tout cela ?

Oh.

Ooooh.

Laissez-moi vous parler de Loup Solitaire, le super tueur d’élite. A un moment, il tombe nez-à-nez avec Miranda. Et au lieu de sortir une arme, lui tend le médaillon et déclare :

– L’argent ne m’intéresse plus. Ces gens avaient pris une petite fille en otage. Je refuse de travailler pour des gens qui ne sont pas honorables.
– Ooooh, vous êtes donc gentil ? Je m’en doutais puisque vous étiez basan…

Et Loup Solitaire de quitter la scène pendant que Miranda enfile son chapeau colonial.

Mais surtout, tenez, prenez un cigare. Doucement. Non, n’essayez pas de vous étouffer avec, vous allez finir ce spoiler avec moi, espèce de monstre qui me poussez à regarder des bouses pareilles. Car je veux que vous appréciiez avec moi ce concept :

Le mercenaire tueur n’a aucun souci avec des gens qui mitraillent des civils à Prague ou tirent dans les trams au lance-roquettes, tuant des centaines de civils, par contre, s’ils prennent UNE petite fille en otage, là, Loup Solitaire dit non.

Si ça se trouve, c’est ça qui l’emmerde : qu’ils la laissent en vie.

Et vu l’otage, je comprendrais.

Loup Solitaire nous fait aussi l’atterrissage trois points caricatural que personne ne demandait, merci à lui.

Mais revenons à SS, qui n’a plus qu’un ennemi en vie : Stevechopathe. Après une brève bagarre au milieu d’un labyrinthe végétal parfaitement illuminé (quand votre base est attaquée et que vous manquez d’électricité, le labyrinthe végétal est une priorité), les deux se font face. Et Stevechopathe tient en joue Nièce, qu’il a réussi à attraper et à menacer… d’un pistolet de détresse. Et pour montrer qu’il ne plaisante pas, il tire un coup en l’air.

Ah.

Oui enfin c’est con quand tu as un pistolet de détresse qui ne contient qu’une seule fusée ? Non ? Ah, visiblement, ni lui, ni SS ne sont au courant de ce léger détail, mais heureusement, tous deux décident que les armes, de toute manière, c’est pour les faibles, aussi réglons cela d’homme à homme.

C’est donc la bagarre.

Dont étonnamment, c’est SS qui sort vainqueur malgré toutes les ruses de Stevechopathe qui a par exemple sorti un couteau pour taillader notre ami. SS tient Stevechopathe entre ses mains quand soudain, PAN ! Une balle troue le bidou du méchant. Puis PAN ! Une autre touche SS. Qui s’effondre en tenant des propos un peu ardus sur les mamans. Et voit sortir de l’ombre… Suzanne, l’assistante de Carmichou.

– Suzanne ? Vous avez trahi Carmichou ? Vous venez de tuer Stevechopathe, donc je suppose que oui.
– Disons que le fait qu’il me traite comme de la merde n’a pas aidé, bizarrement. Mais bon, de toute manière, j’ai un meilleur plan. Stevechopathe est mort, on n’aura qu’à dire que tout ça, c’était une idée à lui. Et vous, SS, vous êtes un peu con mais vous êtes doué pour la bagarre. Je vous recrute.
– Vous auriez pu le faire avant de me tirer dans le bide.
– Ah oui flûte. Déso. En même temps, vous savez, la cohérence n’est pas le fort de ce film. Tenez, regardez le corps de Stevechopathe.
– Oui ?
– Eh bien ses chaussures ont changé entre deux plans.
– Ah oui tiens. Bon sinon, j’ai beau être matinal, j’ai pris une balle.

Pas d’inquiétude, SS ! Car les renforts de la CIA arrivent, emmènent SS pour le soigner et l’enfermer, avec autorisation de sortie uniquement pour aller tuer des cibles désignées, quant à Miranda, elle aussi est arrêtée par la CIA.

Bondissons de deux semaines dans le temps.

Et découvrons que tout le monde a été débile, pour ne pas changer.

Suzanne, d’abord, alors qu’elle avait récupéré la clé avec tous les secrets de Carmichou, lui a… rendu. Carmichou a donc pu la détruire, et Suzanne se fait à nouveau traiter comme de la merde par son supérieur.

Mais ?!

Quant à la commission d’enquête au sein de la CIA qui cherchait à savoir qui a rasé la moitié de Prague, elle conclut que « Ouais, c’était Stevechopathe, d’accord, aucun souci, bisous ». Rapide et efficace.

Enfin, SS, lui, est enfermé dans les sous-sols de la CIA. Mais évidemment, il est trop fort, s’évade, tue tout le monde sur son chemin, parvient à retrouver Nièce que Carmichou gardait dans un coin au cas où, la libère et lui dit :

– Bon, on se casse ?

Et c’est sur cette fin brillamment écrite que l’écran vire enfin au noir et…

…FIN !

Pour info : 200 millions de dollars. Eh bien.

Carmichou lui-même se demande ce qu’il fait encore là alors que ses secrets sont tombés dans les mains des gens qu’il insultait. Comme s’il était protégé par le script, mais comment donc ?

La télévision à peine éteinte, un bruit sur ma gauche me fait brusquement tourner la tête. Un homme mystérieux se tient près de ma bibliothèque.

– Félicitations, Monsieur Connard. Vous avez réussi.
– Qui êtes-vous et que faites-vous chez moi, en chaussures de surcroit ? Un tel manque de savoir-vivre : vous devez être anglo-saxon.
– Finement analysé, Monsieur Connard. Mais comment avez-vous su que je n’étais pas allemand, par exemple ?
– Je viens de vous le dire : vous êtes en chaussures. Pas en sandales-chaussettes. Maintenant, pourrais-je savoir ce que vous faites ici ?
– Je suis de la CIA, Monsieur Connard. Les cyclistes, le retrait de permis, les psychologues… tout cela n’était qu’une diversion. Le véritable test de vos capacités était Gray Man. Vous ne pensiez pas qu’une daube pareille était un accident, tout de même ? Non, c’est un projet de notre agence. Toute personne qui regarde ce film volontairement d’un bout à l’autre est forcément capable de supporter la douleur à un niveau surhumain, et dispose de penchants… disons, dangereux. Tout ce que notre agence recherche. Nous vous proposons un poste à Langley. Votre prix sera le nôtre. Vous aurez à votre disposition les m-

L’homme en costume s’effondre sur le sol en se tenant le ventre, pendant que je retire mon arme fumante du pli de ma robe de chambre. Et me sert du canon encore chaud pour allumer mon cigare. Je m’approche du malheureux qui met du sang sur mon parquet.

– P… pourquoi ? marmonne-t-il.
– Des « penchants dangereux » ? dis-je. Vous savez, si c’est pour venir raconter n’importe quoi, vous pouviez vous éviter de rester caché dans mon salon durant deux heures juste pour faire votre petite entrée en scène. Mais rassurez-vous, c’est oublié, espérons que cette mésaventure vous mettra un peu de plomb dans le crâne.

Dont acte, alors que j’appuie une fois de plus sur la détente. Diego, qui rentre dans la pièce au même moment, soupire en constatant qu’il va encore avoir du travail.

– Patron ! Qu’est-ce que… non, ne me dites rien. Je retourne à Saint-Maclou acheter un tapis. Mais je vous préviens, même la caissière commence à se douter de quelque chose. Peut-être devriez-vous vous calmer.
– Me calmer, Diego ? Me calmer quand le monde entier me provoque ?
– Patron, vous ne seriez pas un peu paran…
– Diego, devinette : qu’est-ce qui est en robe de chambre et qui a encore des balles ?
– Oui, pardon, mais de là à dire que le monde entier est contre vous…
– Ah oui, et ÇA, qu’est-ce ?

Je jette dédaigneusement mon téléphone entre nous, sur lequel tourne une vidéo.

Diego pousse un long soupir.

Même lui ne peut plus le nier : autant de daubes, c’est forcément volontaire.

N’est-ce pas ? N’EST-CE PAS ?

35 réponses à “L’homme gris

  1. J’oserais dire cyniquement, « Vous avez eu un cycliste?!!!!! Moi pas »…^^ j’ai encore le réflex de les éviter (d’ailleurs les capteurs de la voiture m’aide de plus en plus… Vu qu’ils sont de plus en plus débile…), mais pour combien de temps…? (mode cynique fin…)
    Bon sinon, un Avatar 2… Whooooooooooo!!!!! Un autre spoile…? J’ai cru voir une sorte d’humain dedans, genre « la forêt d’émeraude »… (bon, je sais, j’ai des références datées aussi… ;-p)

    • bonne référence la forêt d’émeraude ;)

      l’humain est, je suppose le fils de Neytiri et du type … le fait qu’un avatar puisse procréer est sans doute du à Eyva (aucune idée de comment s’orthographie le nom de leur divinité) qui avait sauvé le type
      par contre qu’il soit humain est un peu con vu qu’Eyva avait à priori transformé le type en vrai schtroumpf géant … après je me trompe peut-être et il est ptêt adopté … mais ce dont je suis sûr c’est que vu qu’il porte un masque, il va avoir un problème avec et du coup gros suspens: va-t’il mourir? holala

  2. J’ai adoré toute la scène de baston finale ou malgré la dizaine de coups de couteaux reçus par SS, ce dernier n’a pas la moindre expression faciale et ne fatigue jamais. Quel acteur et quel personnage fascinant !
    Quant au film… Ils doivent écrire spécifiquement pour ce blog, y’a pas d’autre explication à ce festival de n’importe quoi.

    • Les scènes de combat de films actuels, où quand la scène correspondante de « US » fait figure de documentaire réaliste sur les arts martiaux létaux…

  3. …et dire qu’il a fallu que je lise le spoiler pour me rappeler qu’en fait, je l’ai vue, cette daube !!
    Je ne me souvenais même plus des acteurs, à part Stevechopathe (ça doit être la moustache).
    C’était pourtant il y a moins de 3 mois. Soit mon cerveau commence à partir en déliquescence soit le film était nul à un tel point que mon cerveau a préféré l’éradiquer pour m’éviter un stress post-traumatique.

    • Il fallait le noter, vous l’avez fait : les moustaches sont de toute beauté même sur l’affiche. Ca fait au moins un point positif.

  4. Vous êtes peut-être accro aux mauvais films, mais moi je suis certainement accro à vos spoilers. Merci M. Odieux !

  5. Bravo cher Odieux, j’ai une fois de plus beaucoup ri ! Merci pour vos textes toujours hilarants…

  6. Respirez lentement, ça va aller.
    Recentrez- vous.
    Ouvrez Netfilx et regardez the old guard, avec Charlize Theron en Highlander…

  7. N’ayant ni TV ni Netflix, M. Connard me confirme chaque fois qu’il ne sert à rien d’en avoir. Lire ses spoil sont suffisamment divertissants sans autre abonnement que celui de sa chaîne YouTube pour le petit théâtre des opérations.
    Alors merci M. Connard. De tout cœur.
    PS: évitez de regarder le JT avec la guerre en Ukraine. Les trous dans le script valent Netflix. Entre les troupes qui résistent et empêchent l’ennemi d’avancer avec la carte qui dit le contraire, l’ennemi qui se met à bombarder les zones qu’il contrôle depuis 6 mois et les gentils défenseurs de la liberté qui publient des killlist sur le net, vous allez avoir trop de boulot pour les prochaines années.

    • Existe-t’il encore quelqu’un pensant que les « actualités » parlant d’un sujet et/ou d’un endroit sensible sont réalisées autrement que par un stagiaire travaillant en coopération avec un studio d’effets numériques ? xd

    • Sans oublier les envahisseurs qui abandonnent leurs tanks et parlent sur des fréquences même pas chiffrées, les envahis qui se vantent d’avoir abattu des officiers pourtant très vivants, des « missiles plantés » qui ressemblent quand même fortement à des cheminées…

      Non vraiment, si on peut faire un truc positif suite à ce conflit, c’est d’engager les vétérans à Hollywood (des deux côtés) et de reconvertir des journalistes en scénaristes (certains verront à peine la différence)

  8. Je trouve qu’il y aurait pu mettre un autre lien que celui de la B.A. d’Avatar 2. J’aurais plus mis la B.A. d’un Marvel à la place.

  9. je viens juste de le voir (oui moi aussi j’ai des penchants masochistes mais je le vis bien moi) et franchement y a quand même un peu de mauvaise foi cher Odieux

    le fait que le héros n’ait pas vieilli en 18 ans (et non 19) n’a rien d’extraordinaire … suffit de voir Marcus ou Patrick Stewart (entre autres): ces mecs ont (ou ont eu) la même tête pendant au moins 30 ans

    les opérations illégales du méchant ne sont pas connues de la CIA c’est ça le truc … donc elles sont encore plus illégales que les illégales commanditées par la CIA et de plus semblent avoir servi des intérêts personnels et ont potentiellement nui aux opérations illégales de la CIA

    la copine de SS (dont j’ai oublié le nom alors que je viens juste de voir le film …) aide SS non pas pasque le méchant lui ordonne de l’aider lui (ce qu’il ne fait à aucun moment, il pense juste qu’elle est sa complice (pourquoi? on sait pas (et on saura jamais))) mais bien parce qu’il la menace et qu’elle a compris (c’était pas dur à deviner non plus) qu’il était un peu louche

    et à la fin la copine de SS est menottée et a donc sûrement été fouillée ce qui fait qu’elle ne leur a donc sûrement pas rendu la clef USB de son plein gré

    bonus: le pistolet de détresse avait déjà été utilisé par la gamine et le méchant ne savait tellement pas que ça n’a qu’un coup qu’il a pu en tirer un deuxième après avoir feinté la gamine en la suppliant de ne pas tirer à nouveau …

  10. On critique souvent les film récents (à juste titre), mais on oublie souvent que ce n’était pas mieux avant. Certains films considérés comme des classiques ne volent pourtant pas haut scénaristiquement parlant.

    J’ai regardé il y a quelques mois L’inconnu du Nord-Express de Hitchcock, un film avec les deux personnages principaux les plus teubés de la création.
    Entre le premier qui imagine le crime parfait mais passe tout le film a faire exactement le contraire et le second qui a plusieurs fois l’opportunité d’arrêter le premier mais préfère faire du rien, on tient là un gros morceaux.
    Et c’est réalisé par « le maître du suspens »…

  11. Ce film, ce film raconté comme vous en avez le secret, a l’air magnifique sérieusement. Juste un condensé de l' »art » que l’industrie du divertissement est capable de nous produire aujourd’hui. Tout, absolument tout a l’air imaginé par un enfant de 6 ans, et pas particulièrement éveillé comme le « référent tactique » indispensable dans les 101 réglez que tout génie du mal doit connaître par cœur. Sans parler des clichés de « Justice Sociale », cerise pourrie obligatoire sur un tel gâteau au caca, et des costumes…disons créatifs, qui n’auraient pas déparé dans une repompe de Helmut par une Lady Gaga sous méthamphétamines.

    Merci Monsieur OC pour votre abnégation que m’a permis de beaucoup rire sans finir par me cramer les 2-3 neurones restants au visionnage complet du film !

    @pat :
    « old guard, avec Charlize Theron en Highlander… »
    Ah, elle fait de la pub pour le meurtre d’hommes, mais maintenant à la loyale et avec une épée de 15 kilos ? On va dire qu’il y a du progrès…

  12. Addiction ….
    OC : « Bonjour, je suis un odieux connard et je regarde des bouses holywoodiennnes »
    Tous : « Bonjour odieux »
    La séance des visionneurs de bouses anonymes X)

    A ce niveau c’est réellement un problème qui risque de ruiner votre vie, si vous continuez j’ai peur que vous deveniez critique chez Télérama …
    Merci à vous de vous sacrifier pour nous, mais n’en faites pas un prétexte pour assouvir un masochisme cérébral.

  13. Disons que c’est un film d’action US qui se regarde en mettant le cerveau sur « off », clairement. Le genre de film qui se regarde avec une journée difficile au travail afin de se vider l’esprit, comme beaucoup de productions US.

  14. C’est la différence entre l’élève et le maître.
    J’ai abandonné à la première confrontation entre super agents, soit 15 minutes environ.
    Longue est la route vers l’infini connardise.

  15. Et un agent de plus enterré dans le jardin de l’Odieux ! Vous allez finir par les fâcher. Remarquez, si ils sont aussi efficaces en vrai que dans ce film, vous n’avez pas grand-chose à craindre.

  16. Quatorze. C’est ce chapitre là, cher Odieux. Et merci pour cette référence qui est venu titiller ma nostalgie au moment ou je m’y attendais le moins.

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