Mal m’en a Primal

Ah, les vacances.

Un mot qui à lui seul, évoque repos, siestes et autres après-midis peu productifs à l’ombre de toits écrasés par la chaleur. Une période bénie pour les Guillaume Musso et autres Marc Lévy, qui savent bien que c’est à ce moment-là que leurs ouvrages sont lus sous les parasols.

C’est donc à mon tour de respecter la coutume estivale, en allant chercher une daube qui…

– Vous êtes un peu dur, patron.
– Diego, mon bon, laisse-moi prendre une stature présidentielle.
– C’est-à-dire ?
– Que je prends bonne note de ton avis mais que je m’assois dessus. Maintenant, gueux, va donc quérir ma boite à cigares. Car j’ai dans cette cassette quelque chose que je gardais pour mes congés. Tu devrais mettre ces lunettes de soudeur, d’ailleurs. Car je vais l’ouvrir.
– Pourquoi ? Qu’est-ce qui… oh ! Ah ! Patron ! Mes yeux !

Le filet de lumière qui s’échappe de l’écrin de bois lorsque mes doigts l’entrouvrent tourne bien vite au rouge, alors qu’un rire diabolique et distant roule dans les cieux. Un phénomène bien normal lorsque l’on sort…

Primal ? Un film avec…
– Si. C’est bien lui.
– NICOLAS CAGE ?

Oui.

Oui, bons lecteurs. Cela faisait fort longtemps que nous n’avions plus parlé de l’homme-qui-fait-des-films-qui-sentent-bon-le-besoin-de-payer-ses-impôts, The Rock lui ayant piqué le titre ces dernières années. J’avais donc gardé en stock cette perle sortie en 2019 et dont le pitch laisse rêveur :

Nicolas Cage, un chasseur, se retrouve piégé sur un cargo avec un détenu psychopathe, un jaguar albinos, et une médecin en t-shirt moulant. Arrivera-t-il à mettre les mains sur tout ce petit monde de manière adaptée ? 

Alors, Nicolas Cage va-t-il capturer un médecin, emmener un criminel au zoo et peloter un jaguar plus ou moins dans cet ordre ?

Spoilons, mes bons !


L’affiche : IL est de retour !

Notre film commence dans les profondeurs de la forêt amazonienne, alors que Frank Walsh, chasseur de légende, y attend patiemment sa proie.

Si vous imaginez que cela signifie un type l’arme prête et bien planqué, détrompez-vous : Frank Walsh est habillé avec une jolie veste blanche, a laissé son matos à côté de lui dans un sac qu’il doit fouiller bruyamment sitôt qu’il y a du mouvement, et mieux encore, il fume un énorme cigare qui permet d’affoler la truffe de tous les animaux de la forêt magique dans un rayon de cinq kilomètres.

Mais qui sait : peut-être que Frank chasse un félin attiré par le tabac depuis qu’un convoi de Nicorettes lui est tombé sur la gueule ?

C’est ça ou c’est nul dès la première scène, mais vous me connaissez : je n’ose y penser.

Grâce à cette brillante préparation, sitôt qu’un splendide jaguar albinos débarque, voici que Frank se fait instantanément repérer, perd son arme (celle qu’il devait trouver en fouillant dans un sac, donc) et doit planter à la main une seringue de soporododo dans la bestiole qui n’en demandait pas tant. Après avoir brièvement attaqué Frank au cri de « T’aurais pas une petite cigarette, steuplé ? » l’animal finit par s’endormir, laissant notre héros s’exclamer : »Oh, la belle prise. »

Vous me demandez sûrement « Et comment un Nicolas Cage seul va-t-il trimballer un jaguar endormi de 180 kilos au travers de la jungle ? »

C’est une excellente question.

Et la réponse est celle qu’Hollywood sait nous servir avec délice : mais en changeant de scène, bien sûr !

Pouf pouf, le jaguar blanc et moult autres animaux se retrouvent ainsi téléportés dans des cages chargées sur un camion au milieu d’un village de pauvres Brésiliens. Où Frank, après s’être allumé un nouveau cigare, exige que son chauffeur local mette le moteur en route. Hélas, à sa grande surprise, celui-ci refuse.

– Et pourquoi donc ?
– Parce que le jaguar blanc… c’est un animal tueur. Depuis des générations, il massacre femmes et enfants dans la jungle.

Pardon ? La suite du raisonnement ?

Ah non, non, il n’y en a pas. Apparemment, notre brave homme est en train d’expliquer que cette bestiole est un monstre qui tue les villageois depuis fort longtemps et donc… il faut le laisser ici.

Le type a une famille en plus, hein, on nous la montre. Peut-être était-ce une manière subtile de nous faire comprendre qu’il avait trouvé un moyen habile de se débarrasser de ses gosses mais ouah, oh, pfou, l’autre il me prive de mon tueur sauvage. Je ne sais pas si le jaguar avait bien reçu une cargaison de Nicorettes sur la gueule, par contre, c’est clairement le dialoguiste qui s’est mangé les camions.

Toujours est-il que sans que l’on comprenne bien pourquoi le type refuse d’éloigner un danger de son village, Frank décide qu’il fera la route seul.

Un plaisir qu’il aurait bien prolongé, puisque sitôt qu’il arrive au port après une route fort longue, on lui annonce que le navire qui doit le ramener au pays avec sa prise sera plus peuplé que prévu : il va servir au transport d’un prisonnier fort dangereux que des fédéraux américains ramènent en Amérique. Un terrible assassin qui aurait commis des crimes contre l’humanité : meurtre, torture, mettre Despacito dans la tête d’autrui… bref, que des choses monstrueuses.

À bord, toute une petite armée de gros colosses américains est donc chargée de surveiller le détenu qui est enchaîné dans une cage à fond de cale et surveillé en permanence.

Forcément, cela intrigue Frank dès le début de la traversée.

– Bon les gars, c’est qui le gugusse que vous transportez, là ?
– Je crains que l’on ne puisse pas vous le dire, M. Walsh. C’est une information classée.
– ET SI JE TE FAIS UN DOIGT D’HONNEUR, C’EST CLASSÉ ?

Ah mais non, je ne plaisante pas : je vous ai dit  que le dialoguiste avait visiblement décidé d’écrire le script tout en étant assis sur une autoroute. Frank propose un marché : « Dis-moi tout ou je te montre mon gros doigt. »

Et le plus fort ?

C’est que… ça marche. Car aussitôt, son interlocuteur déballe tout.

– D’accord : il s’appelle Richard, mais tout le monde l’appelle Riton. C’était un ancien commando qu’on a transformé en agent des services secrets et qui ensuite est devenu assassin pour un gang d’Amérique du sud. Et donc, on le ramène en secret car il est dangereux et connait plein de trucs sales. Et je ne vous parle pas de sa manie de humm-hummer Despacito.

« Bon, d’accord, je vous dis tous les secrets défense, mais par pitié, arrêtez de me faire des doigts ! »

Vous aussi, quand quelqu’un vous dit que quelque chose est secret, faites lui un doigt : dans la foulée, il hochera la tête et vous dira tout. La semaine prochaine, retrouvez Frank Walsh dans « Donne-moi ton code de carte bleue ou je te fais un doigt. »

Son majeur est visiblement très charismatique. Contrairement à son charisme, d’ailleurs, que l’on qualifierait difficilement de majeur.

La conversation continue cependant.

– Et vous, M. Walsh, que faites-vous avec un jaguar blanc ?
– Ben j’vais le vendre au plus offrant. Et vous, pourquoi vous ne transportez pas votre homme en avion ?
– C’est classé.
– J’aaaiiii un doiiiiigt…
– Bon, bon, soit : laissez-nous vous donner tout son dossier médical en détail. De la bouche même du Dr Taylor ici présent, la doctoresse mignonne qui va vous expliquer que le larron a une malformation cardiaque qui l’empêche de passer par les airs.
– Tout s’explique.

Certes. Personnellement, j’aurais demandé si ça n’était pas un problème, une malformation cardiaque pour un commando, mais je suis taquin. Retrouvons donc plutôt Frank alors qu’il descend dans la cale nourrir ses animaux et papoter avec Trouducuz, le gamin chiant qui est à bord puisqu’il est le fils de son père, le capitaine Grotrouducuz.

– Comment vous chassez les animaux senor Walsh ?
– Avez du curare. Ça endort en 30s. Et je ne dis pas ça comme si ça allait resservir dans le film. Tu as d’autres questions ?
– Oui : je vois un perroquet qui n’est pas dans une cage. Il est à vous ?
– Non, il me suit partout, c’est tout. Et il déteste les armes à feu et hurle « cache-le ! » dès qu’il voit un flingue. Là encore, ne me demande pas si ça va resservir.

Frank fait donc sa vie, l’équipage aussi, jusqu’à ce qu’un jour, Riton, enfermé dans sa cage, n’attire l’attention de ses gardes en prétendant être malade.

– Les gars, vous avez noté comme il n’y a pas de toilettes, pas même un seau dans ma cage ?
– C’est le type en charge des décors qui a oublié.
– Ouais ben moi en attendant j’ai un burrito qui… ho… hola ! Holala ! Hooou mon petit bidou !
– Riton, déconne pas ! Pense à ton slip !
– Houla… houlala ! Hooooo bon sang, je crois que je vais accoucher du script de Prométhéus !
– OUVREZ LA CAGE, IL VA TRES MAL !

Mais évidemment, sitôt la cage ouverte, Riton simulait : grâce à une alimentation riche en fibres, son transit est parfait, et il ne feignait la mégachiasse que pour attirer et mandaler ses geôliers. Lorsque le Dr Taylor, appelé sur la radio, arrive, c’est trop tard : la cage est vide, et le corps d’un des deux gardes gît à terre, une balle dans la tête. Le Dr Taylor est formelle : le mort a été tué jusqu’à ce qu’il décède.

Rapidement, les gros bras américains fouillent le secteur et trouvent d’autres corps, ainsi que la salle radio du navire sabotée. Ce qui est embêtant pour appeler à l’aide ou écouter NRJ. Aussitôt, le chef des gros bras américains, Joe, rassemble tout le monde, soldats comme équipage, dans une salle facilement défendable.

– Ecoutez, nous on va fouiller le navire pour retrouver Riton. Les autres, restez bien ici, et surtout, groupés.
– NON.
– M. Walsh ?
– NON car je dois… NOURRIR MES ANIMAUX.

Oui. Un tueur surentrainé est en liberté, mais la priorité de notre génie, c’est de savoir si Kiki aura ses croquettes à l’heure.

« Ecoutez Joe, qu’est-ce qui est le plus important ? Un tueur en liberté ou changer la litière de mon cochon d’Inde ? »

– C’est ridicule M. Walsh. Alors vous vous calmez et vous rejoignez tout le monde dans la cale pendant que je fais le briefing. Sinon, je vous latte.
– Bon d’accord.
– Tout de même, c’est ridicule… tsss, qui veut se disperser quand un tueur est en liberté ? Bien, maintenant que nous formons un groupe et qu’il faut absolument que nous évitions de nous disperser… eh ! Jean-Jacques, tu ne voudrais pas aller nous chercher des cacahuètes avec Jean-Jacques ?

Et le plus sérieusement du monde, alors que Joe luttait pour éviter la dispersion de ses troupes, il envoie de lui-même deux types, dont un civil de l’équipage désarmé, se promener seuls juste pour aller chercher de quoi grailler.

C’est fabuleux.

Mais là encore, comme dans les films les mieux inspirés nos héros se dispersent encore plus !

  • Les deux gars partis se dispersent en deux groupes de un, le civil s’enfermant dans la cuisine (parce que c’est SA cuisine) pendant que le gros bras attend dehors
  • Le civil découvre des singes capturés par Walsh désormais libres dans sa cuisine, et donc, ils appellent sur la radio Walsh et Joe pour qu’ils viennent arrêter ces sales petits primates qui ne respectent pas la chaîne du froid !

– Vite, nous aussi, formons un groupe de deux et quittons le reste de l’équipe pour les rejoindre ! annonce Joe. Des singes en liberté, c’est plus important que tout !

Je vous l’ai dit : grosses priorités.

La situation part en cacahuète, puisque le cuistot énerve très fort les singes qui occupaient sa cuisine, et en meurt. Lorsque Frank arrive sur place avec Joe, il est donc mécontent.

– Raaah, voilà ! Quelqu’un a libéré mes singes !
– Ça vous énerve ?
– Oui. Mais vous savez ce que je supporte encore moins ?
– Non ?
– Rester groupé.

Et hop ! Sans aucune explication rationnelle, Frank décide de fausser compagnie à tout le monde. Tout ça pour aller voir à la cale et constater que… palsembleu ! Les singes ne s’étaient pas évadés tout seuls, les rabouins ! Riton a ouvert les cages de tout ce petit monde, et désormais, serpent, singes et autres jaguars blancs rôdent en liberté à bord !

Mais personne ne les a croisés, hein. Un jaguar dans un couloir, c’est très discret, c’est connu.

Frank Walsh commence donc à ramener dans leur cage les animaux les plus proches, et aperçoit brièvement le jaguar, qui s’enfuit dans une coursive. Frank s’empresse de le suivre, mais sitôt qu’il arrive à ladite coursive, il s’exclame :

– Ce couloir est plein de portes, comment savoir laquelle il a pris ?

On parle de portes fermées, Frank. Donc à part si tu cherches un jaguar qui a filé juste devant toi, ouvert une porte avec ses papattes avant de passer et de la refermer sans la claquer pour ne pas se faire griller, et qui pouffe actuellement derrière, je peeeense que tu peux juste suivre le couloir et tomber dessus.

Mais non : Frank n’y pense pas. Je dirais même qu’il pense peu de manière générale, mais ça, c’est parce que je suis mauvaise langue.

Pendant ce temps, l’équipage continue lui à se disperser pour différents prétextes plus ou moins foireux.

– Eh, Joe ! Y a plus d’eau au robinet. On a donc le choix : soit ne pas boire pendant une heure, le temps que vous attrapiez l’autre coquin, soit encore nous disperser pour aller aux vannes d’eau qui ont été mystérieusement coupées, ce qui ne ressemble pas du tout à un piège.
– D’accord, allez aux vannes d’eau, mais en petit groupe, hein !

À ce stade, si Riton bouche les chiottes du pont 5, Joe dira encore « Rah, c’est une urgence : toi, le plombier, et toi avec la serpillière, allez-y ! »

La situation dégénère encore plus quand le capitaine Grotrouducuz est mordu par un serpent en vadrouille, pendant que Riton court en gloussant un peu partout, tue les militaires qu’il aperçoit, et croise parfois des membres d’équipage qui ne le reconnaissent pas.

Parce que c’est connu : alors que le mec a été emmené à bord devant tout le monde, que c’était le spectacle du jour, et que tout le monde mange ensemble à bord et sait donc qui est qui, impossible de reconnaitre le détenu dont tout le monde parle.

Mais revenons au capitaine Grotrouducuz mordu par un serpent. Car tout grognon et grognant, il est promptement emmené là où les civils sont réunis, et où Frank explique le problème au docteur Taylor.

– Le venin vient d’un de mes serpents. Cela va provoquer en lui de grosses hémorragies, docteur.
– Ah. Que faut-il faire ?
– Ben ? D’après le script, c’est pas vous le docteur ?
– Si, mais apparemment, mon rôle consiste à poser des questions idiotes en t-shirt moulant et… qu’est-ce que vous regardez ?
– La date sur ma monte. Nous sommes encore en 1999 ? Je ne l’aurais pas cru, tiens.

Par un heureux hasard, le médecin du bord n’est pas moche.

En attendant, Frank et le docteur Taylor décident donc de partir chercher des médicaments…

Mais oui ! Là encore, seuls et sans escorte ! Je pense que l’on peut résumer ce film à :

  1. un évènement arrive (« Il n’y a plus de PQ ! »)
  2. Joe dit qu’il ne faut surtout pas se disperser
  3. Quelqu’un dit « Allez steuplé ! »
  4. Ils se dispersent en formant un groupe de 2 personnes (au mieux)

Je vous passe d’ailleurs toutes les scènes où des Jean-Jacques au service de Joe partent en groupes de deux se faire massacrer dans le navire, tantôt par Riton, tantôt par le jaguar coquin. Mention spéciale à la bonne idée de Joe de laisser uniquement deux types, dont un civil désarmé, sur la passerelle avec toutes les commandes, cartes et outils dont ils ont besoin pour arriver à destination.

Inutile de dire que ces gens se font tuer, et que Riton peut ainsi prendre le contrôle du navire en gloussant. Je pense qu’ils auraient aussi bien pu lui laisser les clés du bateau avec un mot « Amuse-toi bien, lol« , c’eut été plus direct.

Devant tant d’incompétence, une partie de l’équipage du navire décide de s’enfuir dans un canot de sauvetage. En représailles, Joe crève les autres, puis reprend sa traque de Riton. Ce n’est que lorsqu’il tombe sur une porte bloquée qu’il discute enfin avec son camarade (car oui, ils ont encore une fois fait une équipe de deux, pas plus) d’un sujet intéressant :

– Diable ! La porte est verrouillée ! Riton tente de nous interdire l’accès à la timonerie !
– Attendez, on peut bloquer les portes ?
– Mais oui ! Pourquoi faites-vous cette tête ?
– Parce que dans ce cas… pourquoi on n’a pas bloqué les portes de sites essentiels ? Genre la passerelle, la salle des machines…
– Euh…
– Ou même bloqué les portes derrière nous en avançant compartiment par compartiment jusqu’à trouver Riton, Jaja le jaguar & co ?
– Parce que…
– Non parce qu’on aurait commencé par ça, tout serait déjà réglé.
– Caporal Roudoudou, c’est ça ?
– Oui ?
– Vous êtes viré. Je vais plutôt me faire accompagner par… disons, Jean-Jacques.

Et dix mètres plus loin, Joe et Jean-Jacques se font buter par Riton qui les attendait en embuscade. Il n’en faut pas plus pour alerter Frank.

– Bon sang, on est tous en train de se faire tuer les uns après les autres ! Dr Taylor, vous, votre t-shirt moulant, le capitaine Grotrouducuz et son fils, vous restez ici.
– Mais que va-t-on faire sans Joe ? Qui nous dira de nous disperser en petits groupes juste bons à se faire tuer ?
– Je m’en charge : moi et un mécano, on va aller chercher le canot de sauvetage de réserve… en se dispersant en deux groupes de un !

Félicitations.

Et c’est ainsi que Frank tombe sur Riton, se fait vertement latter la gueule, et finit trainé inconscient par ce dernier dans les coursives du navire. Et lorsqu’un groupe de deux gros bras de feu Joe tombe sur eux… un gros bras que nous appellerons Dudule tue l’autre parce qu’il allait tuer Riton ! Un complice ? Un traître ?

– Non, j’ai fait ça parce qu’il faut capturer Riton vivant !

Ah. Mais garder tes potes vivants, non ? Et accessoirement, il n’y avait pas d’autres options ? Comme lui dire « Ne tire pas ! » ou abaisser son arme ? Non : avant même que le mec ne tire, Dudule l’a poignardé à mort. Pour sauver Riton.

Non, vraiment, c’est fabuleux, j’insiste.

Deux mécanos tentent aussi la pire scène du monde : pour piéger Riton, ils coupent tous les systèmes du bord pour l’attirer dans la salle des machines. Où ils n’attendent que tous les deux, et sans armes bien sûr. Lorsque Riton débarque, ils tentent bien de lui péter la mouille, mais un seul des deux, l’autre hurlant : « Ouais, vas-y, casse-lui la gueule ! »

Au lieu de faire un truc vaguement utile, comme, je ne sais pas moi : ramasser l’arme de Riton tombée au sol au début du combat ?

Non, je ne plaisante pas : le mec se contente de gueuler des encouragements à un mètre de son copain (et d’une arme pouvant tout sauver), avant de détaler quand ledit copain se fait tuer par Riton.

– Aaaah, si seulement j’avais pu être utile ! marmonne le mécano en quittant les lieux.

Je propose que l’on gagne du temps, et que tous les personnages secondaires se suicident directement au lieu de faire du n’importe quoi. Le résultat sera le même, mais en moins con malgré tout. On dira que la dépression les a gagnés après qu’ils aient lu le script d’une qualité telle que les auteurs de Game of Thrones saison 8 voulaient l’acheter.

Riton peut donc s’en retourner en paix voir Frank, son prisonnier, qu’il a gardé en vie pour lui extirper une information cruciale :

– Tu as une carte de navigation, Frank. Où est-elle ? Parle ou je te torture !
– Vous allez me faire un doigt ?
– Non pourquoi ?
– Parce que je ne dirais rien.
– Rooh. Allez, dis-moi où est la carte de navigation !
– Mais ? Pourquoi vous me gardez en vie pour ça ? C’est un navire, niveau cartes, il doit y avoir matière ! Vous avez pensé à fouiller la cabine du capitaine ?
– … nan mais je… comment dire ? Moi-même je ne comprends plus bien ce qu’il se passe dans ce film.
– Oooh, allez Riton, faut pas vous laisser aller. Tenez, je suis chic : ma carte de navigation se cache dans ma cabine, sous mon lit.
– Super, merci !

Riton, ancien commando, peut décimer toute une unité d’élite chargée de l’escorter. Mais pas savoir où trouver des cartes sur un bateau.

Et Riton de s’en aller en laissant Frank en vie. Frank qui suite à diverses péripéties, s’échappe et regagne la zone où sont regroupés les survivants. Que voici :

  • Le capitaine Grotrouducuz, qui a sombré dans le coma
  • Le docteur Taylor
  • Les t-shirts moulants du docteur Taylor
  • Trouducuz
  • Dudule, le gros bras un peu con qui a tué son propre compagnon pour sauver Riton
  • Frank
  • Le mécano qui est juste bon à crier « Ouais, vas-y copain ! »

Et tous décident que puisque Grotrouducuz est foutu, et qu’en plus, ils savent où se cache le dernier canot de sauvetage intact du navire, autant se barrer. Tout ce petit monde va donc sur le pont… lorsque soudain surgit Riton ! Qui se met à mitrailler tout le monde !

Pourquoi ? Les seuls mecs qui tentaient de l’arrêter essayaient de fuir. Pourquoi les retenir ? Mystère.

Mieux encore, le seul fusil d’assaut dont ils disposaient était dans les mains du Dr Taylor (Dudule était occupé à trimballer le canot), docteur qui est militaire, mais qui sitôt qu’elle aperçoit Riton… elle jette son arme en hurlant « HOLALALA NON ! »

Oui, elle jette son arme. Par réflexe. Une militaire.

Dudule, quant à lui, décide de tirer sur Riton, car alors qu’il a tué dix minutes plus tôt un militaire qui voulait faire la même chose, là, soudain, il décide que ouais, en fait, je ne sais plus pourquoi j’ai fait ça.

Ah, quelle tête de linotte !

Bon, dans la foulée, il crève aussi le canot de sauvetage pour ne pas que Riton puisse s’enfuir avec.

– Mais ? Pourquoi ?
– Ben parce que sinon, il nous aurait échappé !
– Mais ? On n’essayait pas s’éloigner de lui justement trois secondes plus tôt ? La raison exacte pour laquelle on a traîné ce canot jusqu’ici ?
– Ah tiens, oui.
– Et puis il aurait fait quoi, dans un canot sans moyen de propulsion ? On n’avait plus qu’à attendre les garde-côtes et à le signaler pour le cueillir.
– Crotte. Mais qui êtes-vous d’ailleurs ?
– Caporal Roudoudou et je… je… vous voulez que je saute à l’eau, c’est ça ? Me faire virer de l’équipe de Joe ne suffisait pas ?
– Voilà, merci.

Plouf, donc, et nos héros se replient promptement jusqu’à la cabine de Frank, qui va chercher son arme à grosses proies : son arc à poulie. Ça va être pratique contre un fusil d’assaut. Vous ne voudriez pas plutôt ramasser une arme sur l’un des quinze morts du navire ? Non ? Ou aller chercher un de tes fusils de chasse, mon petit Frank ?

Non.

Arc à poulie ce sera, pour aller chasser Riton.

Afin de le pousser à sortir de sa cachette, Frank a une idée lumineuse.

– Dr Taylor, vous allez faire du bruit pour l’attirer. Il ne pourra pas résister à votre t-shirt moulant.
– C’est con et sexiste.
– Mais, je suis con et sexiste !
– Alors d’accord.

Le Dr Taylor s’enfonce donc dans les entrailles du navire en faisant des bruits comme « Oooh, j’ai si chaud » et « Ce t-shirt me serre tellement ! », ce qui pousse une érection bientôt suivie par son propriétaire à sortir d’une coursive : c’est Riton !

– Alors, coquinette, on se promène seule ? Je n’y crois pas.
– En même temps, c’est ce qu’on fait tous depuis le début du film, notez.
– C’est vrai, mais là, tout de suite, j’ai décidé de ne pas y croire. Alors, où est Frank ?
– Aha… juste derrière vous !

Car en effet, Frank était en train de l’ajuster à l’arc par derrière après être sorti d’une cachette.

Riton peut donc se retourner en tenant le Dr Taylor, qu’il prend en otage.

– Mais ? Mais putain Dr Taylor, vous êtes complètement conne ? Pourquoi vous lui avez dit où j’étais ?
– Chaipatro.

Non, je suis sérieux : le Dr Taylor dit bien « Il est juste derrière vous ! » ce qui pourrit TOUT le plan qu’ils ont monté. Mais Frank, heureusement, ne fait aucune remarque. Car de toute façon, il est bien trop occupé par un autre souci. En effet, alors qu’il ajuste Riton pour tenter de le toucher sans blesser le Dr Taylor, Dudule le gros bras neuneu surgit derrière lui.

– Frank, baissez votre arc ou je vous tue !
– Hein ?!
– Oui, car je veux Riton vivant ! C’est ma mission !
– Roooh, le relou !
– Oui, mais Riton doit être jugé selon la loi ! Les Etats-Unis ont des règles !
– Comme ne pas tuer ses petits camarades ?
– … nan euh… pas celle-là… bref : POSEZ VOTRE ARME !
– Mais vous savez que je peux tirer autrement que dans sa tête ? Comme votre pote aurait pu ?
– Raaaaaaaah maiiiiiiiiiiiiiiiis ! Arrêtez de souligner tout ça ! Posez votre aaarmeuuuh !

Sauf que Frank refuse.

« Mais putain, pourquoi elle a dit que j’étais derrière lui à l’autre, là ? Elle fermait sa bouche, le film s’arrêtait là ! »

Il tire une flèche dans Riton, qui lui même tire très fort dans Dudule (qui en meurt), avant de tenter d’aligner Frank qui en a profité pour se carapater tant recharger un arc, c’est un peu long.

Riton emmène donc le Dr Taylor pour la ligoter dans un coin du navire avec Trouducuz qu’il a capturé en chemin, puis appelle Frank sur la radio.

– Frank ? Je sais que tu m’entends ! Regarde ta montre. Qu’est-ce que tu lis ?
– 1999.
– Moi aussi. Et tu sais ce que ça veut dire ?
– Qu’on va se retrouver tous les deux dans une zone déserte du navire pour un duel final durant lequel on s’envoie des patates parce que nos armes sont tombées et glissent au sol ?
– EXACTEMENT.

« Et pis à la fin, on pourrait dire qu’on a les vêtements déchirés, du sang partout, et que les autorités arrivent alors que tout est fini. »

Aidés de leurs big balls d’Américains fuck yeah, nos héros se donnent ainsi rendez-vous dans la cale pour le duel final, qui tourne vite au pugilat car leurs armes finissent à terre (et glissent, donc). Durant la bagarre, Frank est parvenu à coller une seringue de soporododo à Riton, qui se retrouve ainsi immobilisé (je vous avais dit que le curare servirait ; idem, à un moment, Frank a su que Riton approchait car son con de perroquet s’est mis à brailler à la vue d’une arme à feu). Toujours est-il que c’est la victoire : Frank a capturé le margoulin !

– Bien ! Attendez… je viens de capturer Riton vivant… en plus pendant que je préparais ce combat, j’ai eu un gros coup de moule et j’ai recapturé le jaguar blanc en trois secondes, si, si… j’ai donc gagné ? Ah mais non, je suis con : et si je libérais le jaguar pour qu’il mange Riton ? Allez hop, je fais ça.

Voilà : alors que le mec avait tout gagné, il décide de buter Riton et de remettre le prédateur super dangereux en liberté.

Ce film est extraordinaire. Et je vous rappelle qu’on parle d’un budget en millions !

Frank n’a donc plus qu’à aller libérer Le Dr Taylor et Trouducuz, découvrir que le capitaine Grotrouducuz est sorti du coma comme ça, pif pouf, et à attendre les garde-côtes qui arrivent enfin en hélicoptère voir ce qu’il se passe à bord de ce navire sans propulsion ni radio. Et découvrent ainsi Frank couvert de sang, les habits déchirés, tel un héros de mauvais film.

Tout le monde est récupéré, Le Dr Taylor laisse son 06 à Frank et…

FIN.

1999. Vraiment.


Pour conclure, je ne dirai que deux mots. Deux mots qui résument à la fois le script, le budget, l’incompréhension de comment les deux se sont mêlés, et surtout, qui a pu accepter tout cela ?

Nicolas Cage.

Merci Nicolas. Tu ne nous déçois jamais.

14 réponses à “Mal m’en a Primal

  1. Alors le curare…. C’est vrai que ça endort (en un peu plus de 30 secondes ceci dit)… Par contre ça ne réveille pas malheureusement.

    • Il me semble que c’est surtout un décontractant musculaire, et que selon le dosage ça peut paralyser ou tuer (ça décontracte le coeur quoi.)

      Me gourre-je ?

      • Alors ca « decontracte » pas le coeur mais ca paralyse les muscles, et donc les muscles respiratoire. Le coeur bat toujours mais le corps est incapable de respirer sans assistance.

  2. Le problème c’est pas que le cinéma produise beaucoup de daube mais qu’il y ait des spectateurs pour aller voir ça. C’est ça qui me semble grave

  3. Vous non plus, Odieux, vous ne nous décevez jamais :)

    Sauf pour « l’incompréhension de comment les deux se sont mêlés » : si l’effondrement syntaxique vous atteint vous aussi, alors tout est perdu.

    • même pire que ça, un curare inhibe tout les muscle Y COMPRIS ceux de la respiration… Grosso modo tu n’es plus capable de respirer et en plus ça s’endort pas… La bonne dose de stresse… Tu n’arrive pas à respirer et tu le sens…

  4. L’arc à poulie, c’est pour ne pas que le perroquet braille à la vue de Frank! Par contre, pourquoi Frank présente ça comme un inconvénient au lieu de fièrement expliquer comment il a pris des années à dresser son perroquet, mystère…

  5. J’ai vu cette daube par le passé. C’est la lecture de ce spoil qui me l’a rappelé, c’est dire si il m’avait laissé un super souvenir.

    Je reconnais que mon analyse n’était alors pas si poussée, et je n’étais point encore un lecteur assidu de ces pages, mais cette daube était vraiment trop ridicule pour passer inaperçu.

    Le pire c’est quand même que ce spoil ne comporte aucune exagération.

  6. Est il vraiment possible de payer des impôts avec ce genre de script ? On parle des impots à Jeff Bezos là ? Ceux où c’est l’administration qui te file du fric pour pas avoir à se coltiner tes avocats fiscalistes ?

    • On trouve des infos assez contradictoires, mais en gros selon IMDb on serait sur un budget de 18 millions pour 2,6 M de recettes (box office + DVD)

      C’est plutôt les producteurs qui risquent ne plus pouvoir payer leurs impôts, à long terme !

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