Fantôme, l’homme en slip du Bengale – Partie 2

Dans un précédent article, je me permettais de partager avec vous cette fabuleuse découverte qu’était la bédé Fantôme, l’homme masqué du Bengale. Vous y découvriez les aventures palpitantes d’un homme certes masqué, mais surtout en slip, qui poursuivait des braqueurs pour ensuite les laisser partir pour cause de mariage (si, si). Oui, Fantôme a un sens de la justice bien à lui. Et c’est pour cela qu’on l’aime.

Aussi, permettez-moi de poursuivre, car dans cette bédé, il n’y avait pas une aventure mais bien plusieurs. Oui : nous sommes gâtés.

Passons donc à la prochaine odyssée du slip le plus moite de la jungle : Révolte au Bengale.

L’armée crée un « mouvement d’opposition ». Mouvement principalement opéré par des chars d’assaut, donc.

Panique au Bengale : l’armée se soulève et commence à tout cramer, comme l’indiquent les flammes dans la case. Le docteur Lua nouvellement élu est, pardonnez mon jargon technico-politique, « dans la grosse merde ». Mais alors, comment réagit-il à la nouvelle de ses officiers qui sortent de leurs casernes avec soldats et tanks en hurlant « à bas la démocratie » ?

Il les manipule fort, puisqu’ils sont quand même en train de tout péter, hein.

Eh bien, en déclarant très sobrement « L’armée me cause du souci. »

Si vous avez à la main un mug alors que vous lisez ces lignes, videz-le, tendez-le vers votre écran et déclarez d’une voix forte « Pour l’euphémisme de l’année, docteur Lua, je vous remets cette coupe« . Vous me direz « Ce n’est pas une coupe, c’est un mug ». Oui, et figurez-vous que ce n’est pas un « souci », c’est un coup d’état. Donc pas d’inquiétude, on reste dans le thème.

Heureusement, pour sauver la démocratie, le docteur Lua sait vers qui se tourner : Fantôme.

Pour les dialogues, ne cherchez pas, ça n’a tout simplement aucun sens.

Fantôme, qui était donc tranquillement dans sa petite salle du trône personnelle à attendre le client.

Notez qu’aller chercher un type assis sur un trône pour aller sauver la démocratie, c’est, disons, cocasse. J’imagine bien les deux gardes du fond apprenant que c’est leur patron qu’on vient quérir pour sauver le résultat des urnes.

« Attendez m’sieur Fantôme, c’est quoi cette histoire de démocratie ? On a le droit de vote ici ? Il y a des élections pour votre poste bientôt ?
– N’y prête pas attention, Mamadou. C’est une histoire pour gens qui savent lire.
– Mais ? Je m’appelle Frédéric et… attendez, vous ne seriez pas juste une espèce de gros facho ?
– Qu’est-ce qui t’as mis sur la piste ? Les bottes Hugo Boss ? Les crânes sculptés sur mon trône ? »

Bon, on va dire que tout le monde est un peu tête en l’air au Bengale (oui, moi aussi, j’aime les euphémismes ; maintenant, reposez ce mug, je me sens insulté).

Le Président Lua en premier, donc, puisque pour lutter contre le méchant général Libu, il compte sur Fantôme. En deux-deux, notre héros se retrouve ainsi face au nouveau chef du Bengale. À qui Fantôme annonce qu’il va tenter d’arrêter le méchant. Le docteur Lua pose donc une question cruciale :

« Je ne voudrais pas que ce pays finisse par entendre le bruit des bottes. Enfin d’autres que les miennes. Pas plus. Enfin, j’me comprends, merde. »

Fantôme aurait répondu « Non, je vais me planter comme une grosse buse », c’eut été plus étonnant. Et pourtant, vu le niveau de l’interrogation, c’eut aussi été mérité. Passons cependant pour aller droit à la question qui vous brûle tous les lèvres : comment un mec seul et en slip peut-il arrêter toute une armée en train de mettre la capitale à feu et à sang ?

« Un encart dans Télérama, et tu vas voir le coup d’état. »

AVEC UNE CAMPAGNE DE PRESSE.

Mais comment n’y a-t-on pas pensé plus tôt ? C’était pourtant évident ! Deux articles intitulés « La guerre, c’est pas bien ! », une quinzaine de tweets plus ou moins mous avec le hashtag #PrayForBengale, et zou, l’armée va se retirer, c’est sûr ! Visiblement, entre le fait qu’on va chercher un type sur son trône pour faire barrage à l’extrême-droite et le fait qu’il ne lutte qu’avec de la com’ et des tweets foireux, plus le temps passe, plus je pense que sous le masque de Fantôme se cache Emmanuel Macron.

Si j’étais le docteur Lua, je commencerais à surveiller fort mon assemblée : c’est un coup à la retrouver toute dissoute. Notez d’ailleurs qu’il fait une tête qui signifie « Est-ce que je viens bien d’entendre ce coprolithe verbal ? »

Heureusement pour le lecteur, la campagne de presse ne sert à rien et Fantôme est obligé d’aller coller ses phalanges sur d’autres phalanges (mais pas les mêmes) pour mieux convaincre l’armée de rentrer dans ses casernes. Mais bon, vite fait : en deux pages, Fantôme localise le camp du méchant, neutralise les gardes à coups de mandales, puis fait prisonnier le vilain putschiste avant de le fourrer dans une voiture. Pour d’obscures raisons, tout du long, Fantôme promène le docteur Lua avec lui, tant les missions commandos, c’est plus facile avec le Président qui se trouve deux mètres derrière vous.

En tout cas, c’est la victoire, et ça fanfaronne grave à bord du véhicule qui ramène le méchant.

Fantôme conduit au milieu de la jungle sans jamais regarder la route, il est comme ça. Oh, et il est tantôt côté conducteur, tantôt côté passager si vous regardez bien.

Alors, je ne sais pas vous, mais quand Fantôme pointe son gros doigt en lançant « la démocratie est sauvée », disons que j’ai l’impression qu’il est plus en train de menacer la mère du vilain que de saluer la victoire de la liberté. Idem, lorsqu’il rit, le dessinateur a oublié de le faire sourire. Résultat, on a un Fantôme qui a l’air plus proche de la colline du crack que du défilé de la victoire bengalais.

Mais bon, l’heure de la paix est revenue, hein. Et pour votre information, c’est midi douze.

Cependant, la montre du méchant Libu doit retarder, puisqu’il en est encore aux menaces. Va-t-il se calmer ? Comment ? Vite !

Ce « Mais… » avant « Pas de pitié ! » était particulièrement nécessaire.

 

Notez comme Libu se met soudain à paniquer lorsqu’on mentionne le juge. Je pense que le véritable dialogue a sauté à l’impression.

« Ben pourquoi tu réagis comme ça Libu ?
– C’est-à-dire… qu’un juge quoi ! Jusqu’ici, j’étais prisonnier d’un type en slip avec des bottes de nazi, coincé dans une bagnole qu’il venait d’arrêter au fin fond de la jungle… je pensais que j’allais soit A) être exécuté froidement, soit B) être violé chaudement, soit C) un savant mélange des deux dans un ordre encore à déterminer Mais là, un juge, merde alors ! Si ça se trouve, il va me faire un rappel à la loi ou un stage de citoyenneté ! Pitié, Fantôme : repensez aux autres options ! »

La démocratie est sauvée, Libu est condamné à 6 mois de prison avec sursis, et ainsi s’achève cette palpitante aventure.

Passons à l’histoire suivante, Le Désert de la mort (ça fait peur !) qui débute à New York, comme son nom ne l’indique pas. Voici donc la première page.

D’ailleurs, avec quel argent font-ils les magasins ? Fantôme, c’est un métier ?

Notez que Fantôme, comme toujours, a une tenue très discrète avec ses quinze couches de vêtements alors que les gens autour de lui sont en t-shirt. Qui pourrait penser qu’il est suspect ? Fantôme, tu es vraiment trop fort !

Quant au dialogue, à base de : « On y va si tu veux, non en fait ça me fait chier, bon allons-y« , je crois qu’il ne manque qu’une bulle de pensée avec « *soupir* Quelle connasse. » pour que le tableau soit complet. Fantôme vit au fin fond du Bengale et passe ses journées sur un trône avec des crânes : vous pensez bien qu’aller chez Pimkie, ça lui brise un peu les roudoudous.

S’ensuit alors la scène que voici, et qui n’a foutrement aucun sens. En gros, non loin de notre héros le type en noir ci-dessous aborde le type en tenue à carreaux en pleine rue en lui disant tout de go « Je veux voir ton chef ». Et voici ce qu’il se déroule

« OH BEN DIANA QUELLE SURPRISE BEN ÇA ALORS ? »

Notez déjà que le « chef » trainait juste à côté. Et que sitôt qu’il débarque… comment dire ?

Lecteurs, n’oubliez pas : quand vous demandez à voir quelqu’un, attendez qu’on vous introduise auprès de lui et qu’il vous demande le motif du rendez-vous pour lui sauter à la gorge en hurlant « PAS DE QUESTIONS, COMPRIS ? ». C’est bien naturel.

Mieux encore, alors qu’une baston éclate à un mètre d’eux et que l’un des forbans atterrit dans les bras de Fantôme (dont le vrai nom est « Kit », en référence au fait qu’il lui manque clairement des pièces), que fait Diana ? Elle hurle ? Elle panique ? Elle l’aide ?

Non, elle aperçoit une copine et donc pendant que ça se savate, ça donne du :

« Oh ben Carol ?
– Bonjour Diana !
– On se fait la bise ?
– Allez ! Smouac, smouac ! Tiens, je t’ai présenté mon mari ?
– Ah ben non, dis ? »

MAIS ? IL Y A DES GENS QUI SE COLLENT DES POINGS DANS LA GUEULE JUSTE À CÔTÉ DE VOUS !

Mais chez Fantôme, les femmes sont ainsi : elles ne sont là que pour se plaindre, parler mariage, faire les magasins et claquer la bise aux copines. Mes lectrices, qui connaissent la rudesse d’une vie où il n’y a que ces quatre actions possibles, approuveront (ou alors elles se plaindront, cf action 1). Soyez fortes, les filles.

Toujours est-il que pendant que ces dames parlent mariage et s’en plaignent dans un magasin entre deux bises, Fantôme, lui, trouve cette baston louche. Et en enquêtant, remonte la piste de ces gangsters, qui forcent un pilote d’essai local à utiliser les avions militaires qu’il teste… pour livrer leurs marchandises aux trafiquants. Ni une, ni deux, Fantôme se déguise en journaliste pour se rendre sur place.

J’en déduis que les caisses contiennent l’intrigue.

Bon, déjà, notez que quand Fantôme se déguise, c’est juste sa tenue-pas-du-tout-suspecte habituelle. Ensuite, dans l’armée, on ne transporte pas des caisses avec des camions, mais avec des tanks, principalement pour faire chier Greta Thunberg (l’armée est comme ça). Enfin, l’armée n’en a rien à foutre de ce qu’elle charge dans ses propres avions et n’ouvre rien : elle charge du, je cite, « n’importe quoi« . Et en bordel s’il vous plait.

Deux cases, rien ne va. C’est formidable.

Note pour moi-même : penser à appeler l’armée lorsque je voudrai déménager. Apparemment, ils sont très serviables (sauf si on est Greta Thunberg, concentrez-vous un peu). Si vous en doutez, voilà ce qu’il se passe lorsque le pilote menacé opère.

L’avion change de taille à chaque case, accessoirement. Je vous laisse profitez de la distance entre lui et le sol lorsqu’ils disent « 100 mètres ! », puis la taille d’un humain comparé à l’appareil.

Voilà : ils sont deux, mais quand l’un des deux déclare « Dis donc, tu voudrais pas qu’on se pose au milieu du désert sans aucune explication et qu’on décharge toutes nos marchandises à deux ?« , l’autre dit « Ah mais oui mec, pas de problème« . Et l’armée qui voit son prototype d’avion secret se poser n’importe où se contente de dire « Bon ben oké alors. »

Serviables, on vous dit !

Je vous passe les détails, mais notre héros aidé de ses fidèles récitatifs « Et… », « Or… » & co va rapidement distribuer de la mandale à tout ce petit monde et récupérer le chargement avant de remettre les criminels à la police. Ne lui reste plus qu’à retrouver sa femme Diana pour des dialogues d’anthologie.

Pffff, ces femmes, alors !

« Encore ?
– Hé oui.
– Mais te revoilà !
– Oui. »

On dirait des dialogues du Grand Détournement. Qu’est-ce que tu crois qu’il va te répondre quand tu lui dis « Mais te revoilà ! » ? « Ben non en fait, je suis juste un chapeau particulièrement loquace. » ? Diana peut donc s’en retourner à ses magasins, Kit peut continuer à répondre à toutes les questions par « Oui ! » même quand la question est « Mais combien de slips as-tu, en fait, on a l’impression de toujours te voir avec le même ?« .

Ainsi s’achève « Le Désert de la mort », où il y a vaguement eu du désert, aucun mort, et notre héros peut se préparer à sa nouvelle aventure : infiltrer un navire que des trafiquants veulent attaquer. Comme je ne suis pas bégueule, je vous propose immédiatement une image du très habile déguisement de notre héros qui lui permet de passer inaperçu aux yeux de l’équipage.

TRIÉ SUR LE VOLET ON VOUS DIT !

Et si vous vous posez la question : non, personne à bord ne trouvera quoi que ce soit de suspect à ce type qui porte un masque de braqueur dégueulasse en permanence.

Alors, j’insiste : la prochaine fois que quelqu’un vous dira qu’avant, on lisait quand même des trucs moins cons qu’aujourd’hui, n’hésitez pas à lui glisser dans les mains Fantôme, l’homme masqué du Bengale !

Vous vous ferez un ennemi à vie, mais avoir raison, ça n’a pas de prix.

Bon, sur ce, je vous laisse : je crois que j’ai trouvé mon smiley pour le second tour des prochaines élections.

Je pense que ça servira plus souvent qu’on ne l’aimerait.

 

21 réponses à “Fantôme, l’homme en slip du Bengale – Partie 2

  1. Voyez, jeunes gens : même privé de la technologie moderne, le monde ne change pas tant que cela :)

    … Maintenant que j’y songe, il n’y a eu besoin ni du Technicolor, ni des effets spéciaux CGI pour produire ces comics… Je crois qu’on tient là une piste pour que les studios fassent des économies sur leurs prochains nav… blockbusters.

    • Mais sans la couleur, comment les gens faisaient-ils pour savoir que l’action se déroulait dans un pays africain? Ou à New York? Même les serviteurs de Fantôme ressemblent à des Italiens déguisés!

      • Je vais présumer que le duo scénariste/dessinateur savait à quelle audimat il destinait ses œuvres ; il n’est pas concevable qu’un tel art du dialogue, et ces coups de crayon, aient pu avoir vocation à être lu universellement. Le bon goût ne l’eut pas permis, et, dans les salons, on se serait gaussé d’un éditeur si présomptueux.

        Non ; ces comics-ci étaient définitivement destinés à une populace où, déchiffrer les lettres, et compter sans user les doigts et orteils, suffisait à faire de vous le sachant local.

  2. Toujours un plaisir cette grande littérature !Et les commentaires de Diego sont un régal. Mes félicitations: il a accomplis sa tâche avec une grande rigueur.

  3. Un bordel pas rangé… Un peut difficile à envisager avec l’armée…^^

    Bref, à quand un petit panégyrique sur Capitaine Marvel, l’homme en slip rouge sur collant rouge? (l’original, s’entend… Pas la reprise disneyite)

  4. L’une des hypothèses pour expliquer la faible qualité de la chose, serait qu’il ne s’agisse pas du comic-strip d’origine, mais plutôt d’une des nombreuses versions «pirates» de l’époque, de nombreux pays avaient finis par produire leurs propres aventures du Fantôme ,notamment en Suède et en Norvège où le personnage était très populaire.

  5. Mouais, il n’est quand même pas bien souvent en slip dans ses missions, ça fait pas trop super héro (nonobstant le scénario qui le fait encore moins).

  6. Les USA qui utilisent l’armée pour livrer « absolument n’importe quoi » avec des avions au millieu du désert … c’était de la propagande Soviétique du 3eme degrès ou une fuite discrète de documents secrets les albums du fantôme ?

  7. Vous vous êtes jamais dit que si c’était tellement nul, c’était parce que le dessinateur du Fantôme c’était en fait un espion qui communiquait secrètement des informations aux russes par le biais de dessins ratés et de dialogues totalement illogiques ?

    Oui, c’est du grand n’importe quoi. C’est pour rester au niveau de la BD.

  8. Les gars qui ont écrit ce truc devaient avoir le cerveau complètement frit! Je veux bien comprendre que c’était un truc pirate vite fait, mais enfin il y a une limite à l’incompétence non?

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