Sous la Seine, ça sent un peu

Les films de requins.

Si un jour, on m’avait annoncé que cela deviendrait un genre en soi, je ne l’aurais cru. Pourtant, depuis l’infâme Sharknado, les films où il est questions d’ailerons, de grosses dents et de petits bikinis se sont terriblement multipliés. Et sitôt que la question des films de requins arrive sur la table, Sharknado est bien plus souvent cité que Les Dents de la Mer, de préférence, entre deux gloussements.

– Patron, c’est du mépris que j’entends dans votre voix ?
– Pourquoi, il y a des jours où elle en manque, Diego ?
– Non, mais… vous en parlez comme si vous aviez une science de… des films de requins ?

Non.

Je n’en ai pas besoin, car je peux vous citer, là, au débotté, l’un des films ultimes du genre. Celui où les auteurs se sont dit « Crotte de bique, on a eu le requin géant, mutant, terrestre, volant via sa tornade… qu’est-ce qu’on pourrait faire ? ». Et c’est là qu’est arrivé Atomic Shark. Un film où le requin… est en feu. En permanence. Même sous l’eau. Alors la prochaine fois qu’on essaiera de vous épater avec Sharknado, posez un DVD d’Atomic Shark sur la table, et ça rappellera qui est le patron.

Cependant, aujourd’hui, nenni de requin radioactif. Non, figurez-vous que Netflix vient de s’essayer au genre, et ce… via du film français. Alors, le requin va-t-il être en pleine crise de la quarantaine ? Combattra-t-il des promoteurs immobiliers avant de se réconcilier avec son père ? Ou bien est-ce que ce sera juste, je ne sais pas moi, un requin ? Non. Nooooooon.

Allez : spoilons, mes bons !


L’affiche : on voit tout de suite que c’est un montage, puisqu’aucun détritus ne flotte.

Notre film commence sur le continent de plastique, alors que des scientifiques l’observent.

– Mon dieu… c’est immonde. Comment a-t-on pu laisser autant de vieux emballages traîner au même endroit ?
– Nous ne sommes pas encore partis, Roger. Nous sommes Gare du Nord.
– Ah, pardon.

Reprenons : notre film commence peu après cette scène, en plein Pacifique Nord, alors qu’une équipe de scientifiques et son gros bateau approchent du continent de plastique, cette immense accumulation de déchets au milieu de l’océan. Que viennent-ils faire là ? Eh bien, ma foi, étudier la faune locale et comment elle s’adapte à tout cela. Parvient-elle à éviter les déchets ? Se met-elle à digérer le plastique ? Ou bien s’en sert-elle pour le recycler dans des conditions dégueulasses, le revendre avec un bénéfice, et faire du continent de plastique la prochaine Chine ?

Que de questions auxquelles nos scientifiques veulent des réponses.

Mais alors que le navire vogue entre divers déchets allant du vieux paquet de lessive à la décence basique d’un homme politique français, une jeune femme bondit sur le pont et se dirige vers la responsable du navire.

– Sophia ! Patronne, on a capté un signal ! Le signal d’une balise que l’on avait posée sur un requin il y a des mois !
– Super, on va pouvoir le trouver et découvrir comment il a évolué entre temps !

Car oui, l’évolution, ça se fait en seulement quelques semaines, les scientifiques le savent. Regardez, c’est vrai : en France, les extrêmes, c’était très méchant, mais en l’espace d’un weekend, ils sont devenus les meilleurs amis de tout le monde. Vous voyez bien que l’évolution ça va vite !

– Okay les petits amis, dirigez-vous vers le signal.
– Bien !
– Et dites à l’équipe de plongeurs de se préparer !
– Okay : Jean-Jacques ! Jean-Jacques ! Et bien sûr, Jean-Jacques ! Attrapez vos bouteilles, vous allez plonger !
– C’est marrant qu’on s’appelle tous pareil.
– Oui hein ?

Nous sommes dans un film de requins : vous pensez bien que la première équipe de plongeurs a peu de chances d’en revenir avec de bons souvenirs et un film à poster sur TikTok. Mais à noter que parmi les plongeurs se trouve Monchéri, le mari de Sophia.

– Surtout, fais bien attention en plongeant Monchéri !
– T’inquiète, ça fait des années que je fais ça.
– Oui, mais ne va pas t’étrangler avec du plastique !

Elle le prévient car on le sent bien : le type est con comme une mouette.

Toute cette fine équipe est mise à l’eau, plonge sous les déchets plastiques, et fait des découvertes étonnantes. Comme par exemple, un cachalot mort avec d’énormes marques de morsure sur les flancs. Alors qu’ils se demandent ce qui peut bien faire des suçons pareils, les larrons sont avertis sur leur radio que la balise GPS du requin qu’ils sont venus étudier s’approche.

Et apparait d’abord une meute de squales… suivie par une énorme maman requin de cinq mètres de long !

– Mon dieu, je n’ai jamais vu un requin aussi énorme !
– Monchéri, c’est un peu grossophobe, là quand même.
– Nan mais t’as vu la taille du machin ? Et la gueule ?
– C’est pas très « body positive », ça, Monchéri. On ne dit pas « T’as vu la gueule du machin ? » ou « Il est énorme ! » mais « Il a toutes ses chances à l’Eurovision », d’accord ?
– Certes, mais en attendant, j’aime pas trop ça : allez, on remonte.

Mais Sophia refuse : elle veut comprendre comment ce requin femelle a pu grossir autant en seulement quelques mois.

– Alors Monchéri, tu prends ta pique à échantillon, et tu lui enfonces dans le roudoudou.
– Ah ben oui, tiens, je vais aller chatouiller les polypes d’un requin géant ! Si tu veux vraiment savoir comment un être vivant peut grossir aussi vite, tu sais, toi et moi, on pourrait aller chez KFC et…
– AU BOULOT MONCHÉRI !
– Rooooh, pfouuu, hé !

Monchéri, tout en grommelant et en tenant des propos un peu rugueux sur belle-maman, s’approche du monstrueux requin et lui enfonce sa pique à échantillons dans la couenne. Un geste qui n’est que moyennement apprécié par la bête, qui décide de manger toute l’équipe de plongeurs en retour. Le requin est comme ça : soupe au lait.

Ici, Jean-Jacques au moment où il réalise avec étonnement qu’il ne va pas dépasser la scène d’intro.

À noter qu’élément important, lorsque le requin approche ou s’énerve, les caméras ont tendance à se brouiller, les écrans du coin à sauter, les signaux à merder… et cela arrivera tout le film. Mais personne ne le mentionnera JAMAIS. Alors que même sans parler de requin géant, si à chaque fois que mon pote Dudule approche, l’écran de mon téléphone se met à danser la samba, je ne sais pas… au moins, je le mentionne. Ou je m’étonne.

Mais pas nos scientifiques, car les anomalies ou les phénomènes mystérieux, ça n’intéresse pas la science, c’est bien connu.

En attendant, notre gros requin a fini sa fringale et dispersé des bouts de plongeurs un peu partout. Sophia, qui a compris ce qu’il se passait malgré les petits problèmes de transmission sur les écrans (les morceaux de plongeurs qui flottent l’aident à comprendre), annonce à sa pote en charge du sonar :

– Je dois y aller !
– Mais enfin Sophia, c’est un requin géant ! Qu’est-ce que tu vas faire ? Le menacer avec un hashtag ?
– Tu as raison, foncer est parfaitement inutile… je vais donc aller jusqu’au bout du concept : je vais filer au secours de mes amis EN APNÉE !

Voilà voilà. C’est donc peu ou prou en slip et armée du plus petit harpon qu’elle a pu trouver que Sophia saute au milieu d’emballages de Granola et plonge pour aller aider son mari.

Qui est déjà un peu mort, certes, mais si vous vous arrêtez à des détails aussi, hein, bon. En tout cas, la bougresse affronte le requin, s’avère complètement inutile, impressionne le public grâce à sa capacité à rester sous l’eau en apnée durant des plombes tout en s’agitant joyeusement, mais sachez qu’à la fin, elle se fait tout de même avoir. En effet, son pied se retrouve pris dans un filet qui trainait, et au bout duquel le gros requin se trouvait au moment où il plongeait vers les fonds marins. Sophia est donc emportée à toute allure vers les abysses, hurle en faisant « bloubloublou ! », voit ses tympans exploser et…

Ah ben non, elle se libère, remonte à la surface sans problème, et en fait ouf, ça va.

Alors, pour les mutations bizarres, je veux bien qu’on parle de Jojo le requin géant, mais Sophia ? Je crois que nous sommes un cran au-dessus.

Passons, et bondissons dans le temps pour nous rendre à Paris, trois ans plus tard.

Sophia – dont les oreilles vont très bien, merci – est désormais guide à l’Aquarium de Paris. Elle se retrouve donc à causer devant des classes de jeunes trous du cul, qui gloussent lorsqu’ils découvrent sur leur portable que « Eh m’dame, c’est vrai que toute votre équipe a été tuée par des requins ? »

Les scénaristes, comme tous les scénaristes, n’ont jamais dû voir un jeune de près. En effet, ici, rien ne va. Car comme chacun sait, lorsqu’il consulte son portable au lieu d’écouter la conférencière:

  • Le jeune ne s’amuse pas à taper le nom de ladite conférencière sur internet, puisqu’il s’en branle joyeusement (une activité qu’il pratique régulièrement)
  • S’il ne s’en branlait pas, il ne serait par définition pas sur son portable
  • Le jeune de 13 ans, lorsqu’on lui parle de requins ayant tué plein de gens, il fait plus « Wouah M’dame c’est vrai ? Wallah ! » que « Hihihihi lol ! »

Non pas qu’il ait de la compassion, hein. C’est juste que ça l’excite un peu ces histoires, et que l’excitation occupe une grande partie de ses journées.

Sophia, un peu énervée qu’on la ramène à ces événements quelque peu traumatisants, n’est pas spécialement enthousiaste à l’idée de papoter avec ces jeunes gens, et sitôt la visite terminée, elle prend ses cliques, ses claques, et s’en va prestement. C’est alors qu’elle est interceptée par Jeannine, une militante à cheveux bleus.

Jeannine aime tellement les océans qu’elle a coloré ses cheveux en leur honneur. Et elle aime tellement leurs habitants qu’elle a adopté le charisme des moules.

– Sophia ! Je peux te parler ?
– Alors et d’une, tu me tutoies pas. Et de deux, j’ai pas besoin de te parler : tu as les cheveux bleus, je connais donc déjà ton opinion sur 99% des sujets que nous pourrions aborder.
– Ouah, euh, hé, l’aut’ ! Vieille conservatrice, va !
– Maintenant, Vade Retro ! Vois cette carte d’abonnée au Figaro ! Recule !
– KSSS ! KSSS ! KSS… que ? Attends, non mais Sophia, je suis venue te parler d’autre chose. Je suis Jeannine, de l’association Savrossisze.
– Quoi ?
– Saviorsize.
– Hein ?
– SAUVEURS DES MERS EN ANGLAIS !
– Haaan… Saviors Of Seas ?
– Voilà, c’est ce que j’ai dit ! Ça donne : S-O-S ! T’as vu ? Malin hein ?
– …
– Savor… savrrrsize… oui, bon, je n’arrive pas à le prononcer et je n’y arriverai pas une seule fois du film, d’accord, je sais ! On peut enchaîner ? Bref : j’ai quelque chose à te montrer, ça va t’intéresser.

Sophia soupire, grogne, voire pète un peu pour exprimer son envie de relâchement autant qu’elle le peut, mais accepte de suivre Jeannine. Qui l’emmène dans un gigantesque hôtel particulier entièrement vide, avec ses escaliers marbrés, ses couloirs sans fin & co, le tout un peu délabré… mais finalement, les deux femmes atteignent une pièce entièrement rénovée pleine d’écrans géants et d’ordinateurs où des dizaines de militants s’activent ou se prélassent au milieu d’une décoration coolos.

– Jeannine ?
– Oui Sophia ?
– Tu es de gauche non ?
– Ah ben oui, écolo de droite, ça reste un concept.
– Tu peux m’expliquer comment la thune de ton association sert à financer une espèce de base secrète pleine de gadgets coolos au lieu de servir à CONCRETEMENT aider les océans ?
– Nan mais c’est utile tout ça.
– Hmmm. Tu es sûre que tes militants ont besoin d’un écran géant de la taille d’un mur qui diffuse en boucle des images de requins ?
– Euh ça, euh… ça les motive ?
– Et le sponsor là ? Tu crois que j’ai pas vu que ta copine sur son ordinateur était assise dans un fauteuil gaming de marque à 700€ ? Tu me la refais, la lutte contre le grand capital ?
– Han, relou ! Dans deux minutes, tu vas me faire le coup du « Han, t’es anticapitaliste et t’as un Iphone ! »
– Oui, et toi, tu vas me faire le vieux sophisme où tu fais semblant de ne pas comprendre la question et tu réponds que « bien sûr que j’ai un smartphone, je vis dans le monde moderne » en ignorant qu’on désignait la marque, pas l’appareil. C’est quoi ensuite ? Tu débarques intégralement habillée en Dior, mais si je le souligne, tu me dis « Faut bien que je m’habille » ?

Bon, d’accord, ce dialogue n’existe pas. Sophia ne fait aucun commentaire sur la base secrète géante des militants coolos ou sur les marques mises en évidence, et Jeannine se contente de guider son invitée jusqu’à une informaticienne en train de malmener son clavier rétro-éclairé (car l’environnement, c’est important, mais si son clavier ne ressemble pas à Tokyo de nuit, ça va pas être possible).

– Sophia, je te présente Ben.ne, notre informaticienne.
– Ouais, salut meuf. Vous me laissez deux minutes ? Je suis en train de hacker la balise de gentils requins pour les déconnecter du système, car des chalutiers s’en servent pour les traquer et les pêcher.
– Encore un coup des Japonais !
– Ouah, euh, c’est raciste !
– Les Japonais sont asiatiques, Ben.ne.
– Han ouais c’est vrai, alors on s’en fout. Bon enfin voilà, j’ai plié ce que je faisais donc ouais, Sophia, Jeannine et moi on voulait te montrer un truc. La balise de ton requin, celui qui a tué ton équipe…
– Jojo ? Enfin Jojoe, puisque c’est une femelle ?
– Wesh, ben figure-toi qu’on l’a traquée. Et qu’elle a traversé le mooooooooooooooonde… pour venir s’installer dans la Seine.

Non, vraiment : voyez le parcours tel qu’affiché dans le film, avec un requin qui a quand même peu ou prou fait le tour du monde depuis le Pacifique nord.

Alors, à cet instant lecteur, je vous sens perplexes. Vous vous dites « Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que ce requin a traversé le monde entier pour se rendre spécifiquement à Paris ? » et vous avez envie d’en savoir plus. Je vous en prie, asseyez-vous, car j’ai ici une enveloppe contenant la réponse des scénaristes à ce mystère. Est-ce que le requin a traqué Sophie jusqu’à Paris après avoir goûté son sang lorsque ses tympans ont explosé trois ans plus tôt ? La bête vient-elle finir le boulot ? Ou bien est-ce qu’un appel mystérieux provenant des tréfonds de la capitale a poussé le requin a s’aventurer jusque là ?

Allez, j’ouvre l’enveloppe et… ooooh !

Ça alors !

Eh bien merci. Bon, j’exagère un peu puisqu’à un moment, un personnage explique que peut-être que le requin a probablement été attiré par « l’écosystème ». Mais 1) les requins du Pacifique ont généralement une connaissance assez relative de l’écosystème parisien (leur éducation est lamentable, certains n’auraient même pas le bac !), et 2) nous vendre l’écosystème attractif de la Seine, même pour un requin élevé au plastique, c’est couillu.

Mais bref : personne ne posera finalement vraiment la question de ce qu’il fout là. Sophia se contente de dire que ce n’est pas possible, et Jeannine et Ben.ne d’insister : si, si, Jojoe est bien là !

– D’ailleurs, l’autre soir au Pont Marie, une voiture est tombée dans la Seine.
– C’est donc ça, un bain Marie ?
– Concentre-toi Sophia ! Ce qui est fou… c’est que le conducteur a disparu. Or, on a capté le signal de Jojoe à proximité peu avant. On compte donc plonger dans la Seine ce soir pour aller étudier ça.
– Alors, ce sera sans moi, parce que plonger dans la Seine, même les gars de Tchernobyl ont dit non.

Sophia rentre chez elle, et sur place, décide de faire des trucs intelligents, comme se repasser les extraits vidéos pris par les caméras de son équipe lorsqu’elle a été massacrée trois ans plus tôt. Extraits qui ne sont plus forcément brouillés : visiblement, le temps a amélioré la qualité des enregistrements. Les disques durs, ça doit être comme le bon vin, mais passons. Car Sophia, bouleversée, prend alors une grande décision : relancer sur son ordinateur son programme qui traquait la balise GPS de Jojoe.

Car oui, depuis trois ans, elle avait décidé qu’un requin géant tueur mutant, c’était pas un truc à signaler ou à vaguement suivre de temps à autres.

Et en effet, elle détecte le signal de Jojoe près du Pont Marie. Alors que ce soir, Jeannine et Ben.ne s’y rendent !

Alors, comment cela se passe-t-il pour nos deux militantes écolos ? Eh bien alors que Ben.ne reste dans le canot, Jeannine plonge et trouve l’épave de la voiture sous la Seine… avec d’énormes marques de dents dessus. À noter que la portière est fermée : le conducteur n’a visiblement pas oublié de verrouiller son véhicule et de mettre l’alarme avant de tenter de remontrer à la surface. Et c’est en chemin que Jojoe en aurait fait son goûter.

Mais ce soir, ni Jeannine ni Ben.ne ne serviront de repas à un requin géant. Car ce qui les surprend, c’est la patrouille ! La brigade fluviale parisienne leur tombe dessus, et si Ben.ne parvient à filer, Jeannine, elle, est invitée au commissariat le plus proche pour expliquer ce qu’elle foutait sur le lieu d’un accident avec disparition. Lorsque Sophia arrive, tout le monde a déjà été embarqué, et tout ce qu’elle remarque, c’est un chien qui aboie en direction de là où elle capte le signal.

Chien qui appartenait à un clochard qui visiblement, s’est fait dévorer par le requin qui à Paris, ne devrait pas manquer d’amuse-bouches de ce type. Finalement, il est peut-être venu dans la capitale pour sa riche offre gastronomique.

L’occasion pour moi de souligner que Jojoe a un vrai sens de la mise en scène. En effet, régulièrement on aperçoit son aileron qui jaillit des eaux quelques secondes, et ce, TOUJOURS quand tout le monde a le dos tourné, pour que seul le spectateur en profite. Même lors de plans de jours, au bord d’une Seine bondée, miraculeusement, toute la population parisienne se met à s’intéresser qui, aux pavés, qui, aux pigeons mutants, le temps que Jojoe fasse un petit « Hé, mon mignon, tu veux voir mon aileron ? » avant de disparaître, telle la petite allumeuse à dents multiples qu’elle est.

Coquinette, va !

Jojoe est traquée en temps réel via un petit logiciel, au mètre près. Je répète, en temps réel. Retenez bien ça.

En attendant, retrouvons Jeannine au commissariat local, où une fois de plus, elle brille par son intelligence.

– Jeannine, vas-tu enfin nous expliquer ce que tu faisais à plonger en pleine nuit sur une scène suspecte ? Scène sur laquelle nous n’avons jamais plongé d’ailleurs, sinon nous aurions pu remarquer des trucs comme des marques de dents géantes, mais ça emmerde le film ? Tu veux en parler ?
– …
– Ecoute, je ne sais pas moi, si tu as une information importante, disons qui pourrait sauver des vies, toi et tes valeurs de solidarité pourriez par exemple nous en faire profiter ?
– …
– Ou si un animal géant était piégé dans la Seine, comme on est la brigade fluviale, on est peut-être l’unité la plus à même de l’aider à en sortir ?
– …
– Tu as raison, ne dis rien, c’est plus contre-productif.

Et Jeannine ne dit rien durant des heures et des heures, avant finalement d’aboyer brièvement « Y a un requin dans la Seine ! ». Sans bien sûr en dire plus, ou de s’expliquer, voire montrer des preuves (comme la balise), histoire que la police dise juste « Ecoutez Madame, il va falloir y aller mollo sur le bédo. »

Heureusement, les preuves vont atterrir aimablement sur un bord de Seine lorsque notre sympathique requin vient déposer des bouts de clodo machouillé sur une berge. Il n’en faut pas plus que la brigade fluviale prenne l’affaire au sérieux, appelle Sophia en tant que grande experte des requins coquins, et lance une enquête. Une unité va donc fouiller la Seine avec l’aide de Sophia, qui a donc son logiciel pour traquer la balise de Jojoe.

Ni une, ni deux, la fine équipe se rend dans la zone où le requin semble être, principalement armée de… euh… pas grand chose. C’est un requin qui a déjà mangé plein de gens, mais hein, un carnet de PV dans la gueule et il va moins faire le malin. 75€ mon gars ! Qu’est-ce que tu vas faire ?

Hélas, ce que nos amis ignorent, c’est qu’ils ont été suivis par cette andouille de Jeannine. Et la militante décide de faire n’importe quoi, histoire de. Ainsi, elle appelle sa bonne amie Ben.ne, qui est devant son ordinateur dans la base secrète de Saviors Of Seas.

– Allô Ben.ne ? J’ai besoin que tu pirates et déconnectes la balise de géolocalisation de Jojoe !
– Hein ? Mais pourquoi ? Elle est super dangereuse, c’est quand même mieux de savoir où elle est si on veut la sauver et sauver les gens autour !
– Nan mais la police euh… ils vont la tuer !
– J’ai regardé le film, hein. Et ils sont limite partis sur place en slip de bain. Jojoe ne risque pas grand chose.
– DECONNECTE LA BALISE !

Et pouf, la balise est déconnectée : désormais, il n’y a plus moyen de traquer le requin. Merci Jeannine, tu es vraiment une championne. En conséquence de quoi, la police ne parvient donc pas à trouver la bête et s’en retourne broucouille. Ce qui est embêtant, car la cheffe de la brigade fluviale engueule un peu son équipe :

– Bon, écoutez, si on a un requin dans la Seine, il va falloir le trouver car dans quelques jours, on a les épreuves internationales de triathlon, et ça commencera dans le fleuve. Ce serait donc bien d’agir car sinon…
– Sinon ?
– Ben le requin pourrait gagner l’épreuve, ca niquerait les résultats, hé. Z’êtes bêtes ou quoi ?Merci de vous démerder pour régler ça, parce que moi, j’ai la mairie sur le dos.

À noter que la mairie est incarnée à l’écran par une maire de Paris qui n’en a rien à foutre de rien à part de son image et de ses épreuves sportives. Je vous avoue que si le message n’est pas bien subtil, je ne m’attendais pas spécialement à le voir apparaître sur Netflix en toute décontraction. C’est un peu comme si CNews faisait une émission spéciale « Les Soulèvements de la Terre sont sympas« . Disons que là, comme ça, au débotté, on ne s’y attend pas.

Comme tous les méchants, la maire dispose d’une maquette de ses immeeenses projets dans son bureau.

Mais revenons au film, car il se passe des choses. On a perdu la piste de Jojoe ? Pas tant que ça, bonnes gens !

Car Ben.ne a réussi à réactiver la balise de Jojoe. Mais juste pour qu’elle soit captée par son association ! Comme ça, les militants vont pouvoir aider le requin à quitter Paris sans que les autorités ne s’en mêlent (ACAB, mec !). On a donc le droit à une vidéo larmoyante de Jeannine qui appelle tout le monde à se mobiliser sur les réseaux sociaux.

– Bonjour, je suis Jeannine de savosriz… savors… putain vous pouviez pas prendre une actrice qui arrive à prononcer trois mots d’anglais ? Je fais de mon mieux mais bref ! Avec savor… bon, avec mon équipe, on veut sauver le requin dans la Seine. Car sinon, il sera tué par les autorités du Grand Capital au service des multinationales qui tuent des enfants, et ce sera la honte de notre génération qui doit sauver la planète. Regardez, je chiale ! Je n’arrive pas à prononcer saviorsize… merde, le truc, mais je chiale ! Alors rejoignez-nous et sauvons ce requin !

Le message circule, on voit des gens partout qui regardent la vidéo eux aussi en chialant (principalement à cause de la prononciation de Saviors Of Seas par Jeannine) et en hochant la tête tant ils adorent protéger les requins entre deux achats de thon en boîte, bref, ça buzze sévère.

Mais revenons à la brigade fluviale, où à la surprise générale, alors que Sophia réfléchissait à comment retrouver le requin, Ben.ne de Saviors of Seas débarque en trombe.

– Les amis, l’heure est grave ! C’est Jeannine ! Elle veut s’occuper de Jojoe et la guider hors de la Seine !
– C’est-à-dire qu’on le sait déjà. C’est pas comme si on venait juste de faire une scène entière où Jeannine l’annonçait publiquement et où on me voyait même moi, Sophia, regarder la vidéo, hein.
– Ah oui, merde. Le film a oublié. Mais attendez ! Je peux vous aider ! Je sais comment retrouver Jojoe !
– Note qu’on aurait pu le faire simplement en suivant Jeannine, puisque cette couillonne a clairement dit dans sa vidéo qu’elle savait peu ou prou où trouver le requin.
– Ah oui, re-merde. Mais moi, je peux vous dire où tout va se passer ! J’ai réussi à remettre en route le signal de la balise de Jojoe. Mais juste pour moi. Allez hop, je fais partage de position et… voilà ! Jojoe se promène dans les anciennes catacombes, dans des parties inondées reliées à des réservoirs d’eau installés sous la Seine. C’est là que Jeannine veut la retrouver ! Vous devez l’aider, car je pense qu’elle va faire une connerie !
– Une connerie ? Seulement ? Tiens d’ailleurs, comment pense-t-elle guider un requin géant hors de la Seine ?
– A… avec un sonar ?
– Jusqu’à l’embouchure de la Seine ? Elle va faire Paris -Le Havre avec son sonar ?
– … ouiii ?
– Okay, effectivement, elle est complètement conne. Allez, tout le monde, attrapez votre matériel, on y va !

Et la brigade fluviale embarque pour filer droit jusqu’aux canaux qui relient la Seine à des réservoirs d’eaux sous Paris, le tout accompagné de l’indispensable Sophia. Par contre, ils y vont à une seule barcasse, car oui, ils s’attendent à trouver des dizaines, voire des centaines de militants là-dedans rameutés par l’appel de Jeannine mais hé, oh, hein, dites voir, à cinq, on devrait gérer. Certes, ils appellent des renforts en arrivant, mais sachant qu’ils avaient le lieu du rassemblement, c’eut été plus intelligent de partir DIRECTEMENT avec les renforts, non ? Non ? Apparemment, non. Fort bien. Tout le monde débouche donc dans un réservoir souterrain, où en effet, cette coquine de Jeannine est déjà dans l’eau avec un sonar à essayer d’attirer le requin. Sophia lui fait les gros yeux.

– Jeannine, qu’est-ce que tu fous ?
– J’essaie d’attirer le requin pour le sauver ! Alors que vous, les autorités fascistes, vous le tueriez !
– Nan, c’est pas la question : qu’est-ce que tu fous dans l’eau ? Tu sais que pour faire marcher un sonar, tu n’es pas obligée de tremper avec, hein. C’est pas un marmot avec ses brassards.
– … aaaah oui, pas con.

Mais Jeannine, elle, l’est.

Et alors que les policiers qui accompagnent Sophia tentent de faire évacuer les militants qui se tiennent sur les bords du réservoir et observent tout, soudain, des ailerons se mettent à tourner autour de la jeune femmes aux cheveux bleus. Oui, « des » ailerons, car à la surprise générale, il n’y a pas qu’un requin !

– Jeannine, sors de l’eau ! Tu ne comprends pas ? Jojoe a mis bas ! Ce sont ses bébés ! Nous sommes dans son nid !
– Parce que les requins ont des nids ?

Sur ces entrefaites, Jojoe, attirée par le sonar, débarque dans la boutique. Et le requin géant n’est pas très content : voilà, elle s’en va cinq minutes, et quand elle revient, elle trouve des squatteurs chez elle ! Le requin, qui n’est pas très au fait des questions de solidarité et d’accueil (c’est une créature Marine), décide de régler la question en avalant goulument cette couillonne de Jeannine.

Qui en meurt.

C’est à ce moment-là que ça devient n’importe quoi, puisque tous les militants qui étaient autour du réservoir au moment de la scène se mettent à agiter les bras en hurlant « AAAH C’EST AFFREUX OH MON DIEU JE GLISSE JE SUIS SI MALADROIT ! » et tombent par paquets de douze à la flotte. Oui, ils sont vraiment très maladroits, et surtout, tous en même temps ! Les bébés requins de Jojoe se lancent donc dans un savoureux repas, même si tout ce petit monde a un arrière-goût de quinoa.

Les militants neuneus en détresse au milieu des requins éclaboussent partout, ça fout de l’eau sur les bords du réservoir, zip, les copains glissent, et au final, il y a de tout dans l’eau : militants, policiers, requins… et même Ben.ne, qui à force de prendre des coups par ses voisins de natation, se noie.

Ce n’est qu’au bout du 53ème mort qu’Adil, le chef de la brigade fluviale, se rappelle que « Mais ? Attendez les gars ? J’ai un flingue ! Aha, quelle tête de linotte : ne bougez pas, je vais m’en servir. ». Et après quelques balles, disons que les requins décident de fuir le réservoir pour aller voir ailleurs s’il n’y aurait pas d’autres militants en pleine trempette. Ne reste donc plus à la brigade fluviale et à son mini-canot qu’à ramener à l’hôpital environ 40 blessés à qui il manque des bouts, ce qu’elle fait sans problème. Comment ? En profitant d’une ellipse entre deux scènes, bien sûr !

Adil, ici occupé à explorer les eaux troubles de la Seine avec la plus petite lampe de poche du marché.

Le fameux Adil circule donc entre les morts et les blessés qui s’alignent le long des couloirs d’un hôpital parisien, jusqu’à ce qu’il trouve Sophia qui sanglote dans un coin.

– C’est ma faute, Adil… j’aurais dû agir plus tôt pour stopper Jojoe.
– Ne dis pas ça Sophia. Et puis tiens : prends cette fraise tagada©.
– Pardon ?
– Une fraise tagada©, après avoir vu des gens se faire déchirer la face par des requins, c’est ce qu’il y a de meilleur ! Merci, Haribo© !
– Adil je… j’ai l’impression que tu essaies de caser un sponsor ? C’est pas un peu maladroit dans une scène comme ça ?
– Une scène comme ça ? Que veux-tu dire ?
– Ben, une scène tragique dans un film avec des morts quoi.
– Hélas, je connais mal les films avec des scènes comme ça. Car ils ne sont pas disponibles dans ma région. Ce qui ne serait pas arrivé, si j’avais utilisé NordVPN© et…
– PUTAIN ADIL !
– Bon allez, tu as raison, c’est du sérieux. On va régler cette affaire de requin. J’appelle le Raid.
– Le Raid ?
– SHADOW LEG…

Avant qu’Adil ne puisse arriver au « © », ils sont interrompus par une collègue policière, qui signifie à nos héros qu’elle a un truc à leur montrer : quand Adil a tiré dans le réservoir, ses balles ont touché et tué un requin. Qu’il est donc possible de récupérer pour une petite autopsie, ce que Sophie s’empresse de faire.

– Adil, c’est extraordinaire. Ce requin s’est adapté à la Seine !
– Tu veux dire qu’il ne craint plus la pollution ?
– Ah non, ça, non. D’après ses analyses de sang, il a trois maladies tropicales, une gastro-entérite qui doit lui permettre de se propulser sans nageoires, et le SIDA. Deux fois.
– Oh.
– Non, ce que je voulais dire, c’est qu’il s’est adapté à l’eau douce. D’après moi, les requins sont venus à Paris pour trouver un endroit tranquille dans les catacombes pour se reproduire avant de retourner  dans l’océan.
– « Paris » et « Endroit tranquille », je ne l’ai pas vu venir. Et puis c’est pas des saumons, hein. Surtout que remonter un fleuve qu’ils ne connaissent pas à des milliers de kilomètres du Pacifique dont ils viennent, pour se rendre dans des catacombes, concept qu’ils ne connaissent même pas…
– Ben chaipa, ils sont peut-être tombés sur un prospectus dans le continent de plastique ?
– Ou bien les scénaristes n’ont aucune idée de ce que le requin fout là ? J’espère qu’ils auront laissé une lettre à quelqu’un à ce propos.

Passons sur le fait que les scénaristes ont donc zappé de justifier un minimum ce que les requins foutent là, on l’a déjà évoqué, et allons à LA vraie révélation. Car en autopsiant le requin…

– Bordel ! Il est plein de bébés ! Alors que cette petite femelle n’est même pas à maturité sexuelle ! On dirait que… mais oui ! Ces requins ne sont que des femelles, et elles se reproduisent par parthénogénèse !
– Mais comment est-ce possible ?
– Ben comme le reste : ces requins ont tellement de mutations que Disney risque de débarquer à tout moment pour en faire une sous-série sur Disney+.
– Vite ! Je verrouille les portes !

En attendant, cela n’arrange pas les affaires de nos héros. Car si tous ces requins mutants se multiplient… bientôt, le monde croulera sous des requins géants dévorant tout sur leur passage ! Il faut donc aller prévenir les autorités compétentes :

La mairie.

Attendez, j’ai bien écrit « compétentes » ? Hmmm oui, mais visiblement, ils vont quand même à la mairie, faire face à la maire.

– Comme Passi© et Calogero© ?
– Adil, bordel !

Cette blague de vieux étant passée, retrouvons donc nos héros dans le bureau de la maire, occupée à manger une salade tout en levant de temps à autres vaguement les yeux vers les enquiquineurs venus la déranger.

– Alors, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Vous me dites que nous avons des requins tueurs mutants dans la Seine ? 24 heures avant le début du triathlon ? Bon écoutez, on va faire simple, je vais demander à l’armée de protéger l’affaire, et pif pouf, nul doute que ça fonctionnera.
– Oh non ! Pas l’armée ! Dans tous les films avec des monstres, ça finit toujours avec les gentils scientifiques qui sont embêtés par la méchante armée !
– Eh bien c’est comme ça. En attendez, dégagez-moi le plancher, il faut que j’aille rassurer les gens en annonçant sur toutes les télés que ces histoires de requins dans la Seine sont des rumeurs.

Hmmm. Une rumeur qui a donc fait des dizaines de morts et de blessés, donc, le tout avec quantité de témoins, photos et de vidéos, et ce à l’heure des réseaux sociaux. Heureusement, le film a oublié tout cela, c’est pratique.

Ici, une victime de la rumeur.

Le triathlon de Paris va donc pouvoir débuter sans problème.

Nos héros, eux, se retrouvent dans un café pour grommeler que ouah, c’est trop nul, on peut rien faire.

– Si seulement on avait une balise pour traquer en direct Jojoe !
– Ouais…
– On pourrait envoyer plein de gens lui péter la gueule et sauver Paris !
– Ouais…
– Tu sais, une de ces balises comme celle que porte Jojoe, et où l’on a clairement eu une scène ENTIERE dédiée au fait que ça y est, sa balise fonctionnait à nouveau grâce aux efforts de Ben.ne !
– Ouais…
– Nan vraiment, on ne peut vraiment rien faire.

Oui, nos héros ont oublié qu’ils pouvaient boucler l’affaire, là, maintenant. Et qu’ils ont dit à la maire qu’ils ignoraient où était le requin, alors qu’ils peuvent le consulter à tout moment en sortant leur téléphone de leur poche. Ça vaaaa, c’est un PETIT oubli, ça arrive ! Ils continuent donc à bouder en grommelant qu’ils sont inutiles (ce qui n’est pas tout à fait faux).

Et puis soudain, c’est la révélation :

– Mais attendez ? Personne ne nous a interdit d’essayer quoi que ce soit ?
– Ah ben oui merde ? Qu’est-ce qu’on fout dans ce café à pleurnicher alors ?
– Je ne sais pas. Bon ben on se remet au boulot ?
– Allez.

Oui, vraiment : les héros faisaient une pause sans vraiment savoir pourquoi, en oubliant toutes les ressources qu’ils avaient à leur disposition. Et décident donc de tenter une nouvelle opération, hop. On écoute Adil.

– On sait que les requins sont attirés par les sonars, Jeannine l’a prouvé en se faisant manger l’autre jour. Donc on va tous les attirer dans un coin des catacombes noyées, un endroit avec une seule issue. Et là, on laisse le sonar, on sort après avoir posé des explosifs, on fait péter le tunnel, et pif paf pouf, ils sont enfermés, n’ont rien à manger : problème réglé.
– Et pour éviter qu’ils ne nous grignotent pendant l’opération ?
– On aura des torches. Ça les tient à distance.
– On en avait la dernière fois, mais ça n’a rien fait.
– Il suffit, caporal Roudoudou ! On va espérer que les spectateurs auront oublié ce détail.
– Ah oui, c’est pas très bon de s’appuyer là-dessus. Et en parlant d’oubli : est-ce qu’on pensera finalement à suivre la balise de Jojoe, histoire de voir si elle mord à l’hameçon quand on tend notre piège ?
– Non. Sinon ça aussi, ça pourrait montrer qu’on a vraiment, VRAIMENT oublié plein de trucs ! À part une chose : caporal Roudoudou ?
– Oui ?
– Vous êtes viré.
– Sauf que vous aussi vous oubliez une chose : je suis fonctionnaire en France.
– Bon, ben caporal Roudoudou… vous êtes muté. Tenez, voici plein de points de mutation pour déplacer le problème ailleurs.
– Youpi !

C’est donc sans le caporal Roudoudou, mais bien avec notre équipe de champions que c’est parti pour ce plan pourri, où une partie de la brigade fluviale, une paire de copains démineurs et Sophia et son sonar magique se rendent dans une crypte engloutie et comme convenu, y attirent les requins et posent les explosifs. Sauf que, flûte ! Figurez-vous que les torches sous-marines ne font pas super peur aux requins ! Ah, si seulement quelqu’un s’était souvenu de ce petit détail ! Un démineur se fait donc manger, puis l’autre… et le détonateur est perdu.

Brièvement, car malgré les requins qui commencent à tuer tout le monde, Sophia parvient à récupérer le gros bouton rouge, et à le presser une fois qu’elle est assez loin.

Sophia, au moment où elle se dit « Han, p’têtre qu’on aurait dû venir avec l’armée plutôt qu’avec des torches pourries. »

Grâce à des effets spéciaux dignes d’un tutorial After Effects, une énorme explosion secoue les bords de Seine, et voilà les requins enfermés. Sophia elle, remonte à la surface, en direction du canot où quelques amis de la brigade fluviale l’attendent. Et ça tombe bien, car pendant ce temps, le triathlon a commencé. Adil et Sophia, seuls survivants de la mission sous les eaux, remontent ainsi avec satisfaction.

– C’est bon, c’est fait.
– Bravo Sophia !
– Et le triathlon surveillé par l’armée ? Ils n’ont pas paniqué en entendant une énorme explosion à quelques centaines de mètres ?
– Ah non pas du tout, ils n’ont rien remarqué. Eux aussi ont dû avoir les tympans éclatés plus tôt dans le film.

Tout le monde glousse, jusqu’à ce que Sophia soit prise d’un doute.

– Alors, juste pas sécurité, je vais replonger pour voir si l’éboulement a tenu.

Ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise idée, puisque lorsqu’elle va voir… maman Jojoe est en train d’utiliser sa grosse masse pour faire bélier, et parvient à rouvrir le tunnel bouché ! Oups ! Le triathlon a lieu, et il y a donc un requin géant pas content et tous ses bébés tueurs dans la Seine ! Le requin est tellement grognon que certes, il épargne Sophia (il a senti qu’elle avait une combinaison de plongée en scriptonium), par contre il va défoncer le canot de la police fluviale, et y mange tout le monde, sauf Adil (scriptonium aussi, tout ça).

Nos héros se retrouvent bien seuls et bien bêtes à contempler le requin partir après avoir tué leurs amis, alors qu’il file bien évidemment en direction du triathlon.

Sophia a alors une idée.

– Adil… tu te souviens quand au début du film, je plongeais pour aller voir le requin, en apnée et quasiment sans équipement ?
– Oui ?
– Et si on recommençait ?
– Allez !

Donc, plutôt que de foncer sur les berges pour essayer de joindre la sécurité du triathlon, nos héros décident de poursuivre un requin géant en nageant. Oh, tu vas voir si je t’attrape, vilain squale ! Je te ferai des prises de catch, tu vas en chier comme jamais ! Mais le requin ayant une propulsion sans comparaison (je vous rappelle qu’il y a des soucis de gastros impliqués), il rejoint les candidats au triathlon, et commence à les boulotter. Avant de prendre son temps pour manger Monsieur Poulpe, parce qu’on ne sait pas trop ce qu’il fout là au milieu des participants, mais c’est Monsieur Poulpe quand même (et dans l’eau, c’est crédible).

L’armée, qui avait des embarcations armées à proximité, décide de lourdement plomber la gueule du requin à la mitrailleuse (mais le requin réussit ses jets d’esquive).

Adil, dans l’eau, fait donc de grands gestes.

– NOOOON ! NE TIREZ PAS ! Il y a plein d’obus non explosés sous la Seine ! Vous risquez de tout faire péter !
– Comment ? Monsieur, je ne vous entends pas ! Tout à l’heure, il y a eu une énorme explosion et je n’ai plus de tympans !

Car oui, vous le noterez : pour Adil, tirer avec une arme à feu dans la Seine, c’est super dangereux, ça pourrait secouer le mauvais obus englouti, par contre, lui et ses copains qui font péter tout un pan des catacombes, justement relié à ladite Seine en faisant trembler tout le secteur, là, pas de souci, c’est 100% sécurisé les enfants.

Mais comme le veut le cliché des films de monstres : l’armée a tort, et une de ses balles va faire péter un obus sous la Seine. Ce qui cause :

  1. une explosion qui fait bobo aux vilains militaires (mais pas au requin juste à côté, qui est lui-même en scriptonium)
  2. une secousse qui soulève d’autres obus engloutis
  3. qui en retombant, causent de nouvelles explosions
  4. qui secouent d’autres obus engloutis, qui en retombant, explosent et…

Alors, je vous préviens, si l’Ukraine manque d’obus, d’après le film, trois heures de pêche dans la Seine devraient permettre d’alimenter le front de Kiev pour plusieurs années. Car TOUTE la Seine est secouée d’énormes explosions en chaîne (contrairement à celle causée par nos héros, qui elle, n’avait causé aucun souci j’insiste), les ponts sautent, les réservoirs d’eau sous la ville sont éventrés, un gigantesque tsunami en surgit (si, si), balaie le triathlon, la vilaine maire meurt noyée, et on découvre que Paris est désormais entièrement submergée sous 5 mètres d’eau (sacrés réservoirs sous la ville, les enfants !), où les requins tueurs s’égaient joyeusement. Ce que nos héros Adil et Sophie peuvent contempler, perchés sur un kiosque à demi submergé.

– Mon dieu Adil… le pire est arrivé… maintenant ces requins vont pulluler, le monde est foutu.
– Attends Sophia… mais si ces requins se reproduisent avant même leur maturité sexuelle, et que celui que tu as autopsié avait quoi… deux mois ?
– C’est ça !
– Alors comme au début du film, il s’écoulait 3 ans entre la mort de ton équipe et aujourd’hui, ça veut dire qu’en fait, ça fait déjà trois ans que Jojoe se reproduit et que ces requins pullulent, donc que le monde entier doit être au courant.
– Oh ! Tu veux dire que ça aussi, on a oublié ce concept un peu majeur ? Tout ça pour rajouter une scène trois ans plus tôt où je perdais mon équipe et mon mari, ce qui ne sert plus du film, puisque ça aurait aussi bien pu commencer par la découverte du requin dans la Seine ?
– C’est ça.
– Diable, mais alors…
– On s’est chiés dessus du début à la fin !

Eh oui.

La Seine fait toujours cet effet là.

Vivement le volume II : « Les Requins contre la colline du crack ».

Et… FIN !


Vous noterez qu’au milieu de ce désastre intellectuel surnagent tout de même quelques éléments étonnants :

  • Les gentils militants font des conneries et n’ont pas raison sur tout
  • Le plan des héros ne marche pas
  • Ça finit mal

Alors certes, les gars, c’est pas mal.

Mais franchement : jamais vous ne battrez un requin en feu.

21 réponses à “Sous la Seine, ça sent un peu

  1. Oh, excellent !! Non seulement, j’ai pu rigoler tout le long de ce nanard délicieusement ridicule, mais, en plus, j’ai droit à la version Odieux Connard ?! S’il n’y avait pas les élections, je dirais que cette semaine se passe vraiment bien lol

    • Ce n’est pas comme si les élections allaient changer quoique ce soit.

      Faites votre vie tranquille, tout ça n’a pas autant d’importance que les médias tentent de le marteler.

    • … J’avais pas vu… OpenStreetMap, c’est pas connu chez les scénaristes, on dirait… En fait le requin il est à Orléans, et en vrai il voulait aller dans le Danube mais son navigateur n’était pas à jour, ça résiste pas à l’eau de mer les logiciels. Du coup il est super aigri parce que la Loire c’est pas vraiment le beau Danube Bleu, et Maître Gims c’est pas vraiment Strauss.

      • Hmm, en gros il voulait (re)conquérir Orléans mais Jeanne d’Arc lui a fait peur et du coup il est reparti attraper l’embouchure d’un fleuve plus au Nord afin de piller, brûler, violer et tuer tout à son aise ? C’est drôle, à mesure que les commentaires sur ce film arrivent, j’imagine qu’il est juste un effort de propagande pour un ou plusieurs partis avant « Les Hunger-games de l’Expiation » heu pardon le jeu normal de la 5ème République en cas de dissolution xd.

  2. On peut dire que je pinaille, mais ce nom… « Sous la Seine » ? Le film se passe dans la Seine et autour, pas en dessous ; à moins de faire nager les requins dans les soubassements de Paris, les sédiments ou la caillasse.

  3. Excellent, cher Odieux.
    Par contre, on est d’accord que le nom de l’assoc’, c’est « Save Our Seas » ;)
    Un peu de mauvaise foi n’a jamais tué personne, contrairement à la qualité de l’eau de la Seine. Bon JO à tous !

  4. Je suis probablement le seul à avoir relevé mais on a aussi la maire qui donne des ordres au préfet alors que la chaîne de hiérarchie c’est plutôt l’inverse

  5. Cher monsieur Odieux. Vous êtes un génie et c’est un immense plaisir de vous lire, j’ai rigolé à pleines dents du début à la fin ! Pour la peine, je vais vous piquer des passages et des bons mots pour les placer demain au taf, je vais passer pour quelqu’un de spirituel. Un bon weekend à vous.

  6. Cher Odieux, puis-je me permettre de vous faire remarquer une légère incohérence supplémentaire ?

    Lorsque Jojo est renommée Jojoe « puisque c’est une femelle », Jeannine aurait dû s’offusquer de cette décision et signaler que Jojo.e est seulement « assignée femelle à la naissance ».

    Accessoirement, je me demande si nous apprendrons un jour que le prénom du caporal Roudoudou est Jean-Jacques

  7. Narf narf narf!!! :-) La saison deux, la maire de paris plonge dans la seine, par Disney family… Ha bah non, elle meurt noyée (faut croire quelle ne savait pas nager…)

    Du coup, tout mon scénar de suite probable tombe à l’eau…

    Misère… Si les scénaristes lisent ce commentaire, on va avoir une maire ressuscitée…

    Harggggggg!!!! J’ai rien dit….

  8. Utiliser les Catacombes et ne pas voir un mur de crânes ou un quelconque squelette du lieu se mélanger aux bébés requins qui en goûtent juste pour voir, c’est honteux !

  9. Bonjour,

    Juste un petit truc suite au visionnage de ce film (et votre spoil):

    « Brièvement, car malgré les requins qui commencent à tuer tout le monde, Sophia parvient à récupérer le gros bouton rouge, et à le presser une fois qu’elle est assez loin. »

    Sauf erreur, c’est l’un des policiers, Adama, qui récupère le détonateur et qui appuie avant de se faire bouloter. Et Sophia, elle récupère l’espèce de « mini moteur sous marin qui permets d’aller vite » (un propulseur sous marin, cherché sur google après le nouveau terme, laissé pour l’effet comique qui ne fait rire que moi).

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